Les Etats-Unis subissent la pire sécheresse depuis 56 ans, a indiqué lundi l'agence météorologique américaine. |
Selon l'Agence océanique et atmosphérique nationale américaine, la NOAA, environ
55% du territoire continu des Etats-Unis ont été frappés en juin par la
sécheresse. Ce chiffre s'appuie sur la définition donnée par l'index Palmer qui définit la
sécheresse en fonction des critères basés sur la température et les précipitations.
Ce
pourcentage est le plus fort observé dans le pays depuis 1956, année où la
sécheresse s'était abattue sur 58% du territoire. Le mois de juin 2012 a été
"le 14e mois le plus chaud et le 10e le plus sec" enregistré, selon
le communiqué de la NOAA.
"Les
terres arables se sont desséchées et les récoltes et pâturages clôturés ou non
se sont dégradés à un point rarement observé au cours des dix huit dernières
années", selon la même source.
Journal
historique de l'Indiana, le News Sentinel
indiquait le 16 juillet que les services météorologiques de cet Etat
prévoyaient le plus bas niveau de pluies d'été depuis cent quarante ans. L'absence
de précipitations (l'Indiana n'a pas reçu la moitié de ses pluies moyennes sur
les trois derniers mois) ajoutée à des chaleurs hors normes — mardi 17 juillet,
il faisait 38ºC à Chicago (Illinois), 39ºC à Saint Louis (Missouri) — a
transformé ces Etats en "fournaises", selon le terme d'Alex
Prud'homme, auteur du livre The Ripple
Effect sur les risques d'épuisement de l'eau douce.
Christopher Scott, un professeur en
ressources naturelles à l’Université d’Arizona, ne croit pas au scénario de fin
du monde liée à une pénurie d’eau, mais il explique qu’elle produit une
nouvelle dynamique qui aura des conséquences directes sur la société, notamment du fait de la
concurrence grandissante entre les besoins domestiques des citadins, et celui
de l’agriculture. Alors, boire ou manger ?
Des récoltes catastrophiques
Dans la Corn Belt (région du Midwest), l’état des cultures
de maïs et de soja dimanche s’était encore plus détérioré que ce que ne
craignaient les traders de la bourse de Chicago (où se négocient les prix agricoles), et le Département Américain pour l’Agriculture (USDA)
a dû réduire la cote du maïs comme cela ne s’était jamais vu depuis plus de dix
ans.
« Nous passons d’une crise à un film
d’horreur » a déclaré l’agronome Tony Vyn de l’Université de Purdue. « Je vois
un nombre croissant de champs qui ne produiront aucune céréale cette année.
Les Etats-Unis exportent plus de la moitié des
exportations mondiales de maïs, qui est ensuite transformé en multiples
produits, depuis l’amidon à l’éthanol en passant par la nourriture pour bétail.
L’USDA a donné au maïs
une note de "bon à excellent" à seulement 31 %, signifiant que seulement 31% de
la récolte pourra être exploitée. Le soja a obtenu la note de 34% "bon à
excellent", soit 6 points de moins que la semaine précédente.
« Ils passent le maïs
d’un état de « bon à excellent » à un état de « pauvre à très pauvre » chaque
semaine, cela indique que c’est bien pire que ce qu’ils pensaient » a déclaré
un agriculteur, Larry Winger.
Le soja et le maïs sont
deux céréales exportées dans le monde entier, ce qui laisse craindre des
pénuries alimentaires mondiales et une inflation sur ces produits.
L’impact sur les prix de la
viande et de la nourriture aux Etats-Unis prendra du temps à se faire sentir mais
devrait probablement avoir lieu dans les mois à venir.
La semaine dernière, le
Secrétaire américain à l’agriculture, Tom Vilsack a décrété l’état de
catastrophe naturelle du à la sécheresse dans plus de 1000 comtés à travers le
pays.
Des pertes colossales en 2011
Le Texas a connu la sécheresse la plus chère de son
histoire en 2011, et probablement la plus coûteuse qu’aucun Etat n’a jamais
connue auparavant.
"Personne de son vivant n’avait connu de tels
dégâts dus à la sécheresse d'une seule année», a déclaré Travis Miller,
économiste agricole à la Texas A & M University.
«Les agriculteurs et les éleveurs du Texas ne sont pas
étrangers à la sécheresse, mais l'intensité de la sécheresse illustrée par des
records de chaleur, de faibles précipitations, de vents sans précédent et d’une
durée extrêmement longue, tout a joué dans la destruction de la production
agricole», a t-il ajouté.
Les nouveaux chiffres publiés début mars par l'Université
vont au-delà des estimations de 5,2 milliards de dollars de pertes publiées
l'automne dernier, qui ne comptait que les pertes enregistrées jusqu'à la fin
août.
Les plus touchés sont les éleveurs de bétail de
l'État, suivie par les producteurs de coton. Le Texas est de loin le plus grand
producteur de ces deux produits aux États-Unis, produisant environ 15% des
bovins de boucherie et 25% du coton de la nation, selon le Ministère américain
de l'Agriculture. Les pertes des producteurs de bétail s'élèvent à 3,23 milliards de
dollars, et celle des producteurs de coton à 2,2 milliards de dollars.
"Les conséquences de ces pertes sur les familles agricoles du Texas
est énorme", a conclu Hall Gene de l’Agence gouvernementale pour les fermes du
Texas.
Même les fermes irriguées ont perdu d’énormes
quantités de récoltes, l’eau fournie ne suffisant pas à
renverser la tendance provoquée par l’absence de précipitations. « La
sécheresse avait débuté à l’automne 2010, si bien que beaucoup de pâturages n’ont
pas verdi après l’hiver » explique Miller.
Des
cultures trop gourmandes en eau
Au Nebraska, où la plupart des agriculteurs irriguent
leur maïs, le flux des cours d’eau et des fleuves a tellement diminué que
l’Etat a demandé à 1 100 agriculteurs de l’Etat d’arrêter de pomper l’eau dans
les cours d’eau et d’utiliser des puits à la place.
Le 29 mai 2012, une nouvelle étude
américaine utilisant les données du projet Grace (Gravity recovery and climate experiment) publiée dans une revue de l'Académie des Sciences Américaine
alerte sur l'importance de pratiques d'irrigation durables des cultures aux Etats-Unis dans les hautes plaines et dans la Vallée centrale californienne, deux des
principales régions agricoles nord-américaines.
Le risque est de voir la
sécurité alimentaire du pays gravement remise en cause, menacée par
l'épuisement des réserves d'eaux souterraines.
L'étude donne une image temporelle et
spatiale très précise de l'épuisement des eaux souterraines dans ces deux
régions américaines qui ont produit ensemble pour près de 56 milliards de
dollars de denrées agricoles en 2007 - soit une grande partie de la production
alimentaire des Etats-Unis. Elles sont également responsables pour moitié de la
diminution du niveau des eaux souterraines aux États-Unis, principalement à
cause de l'irrigation des cultures, indiquent les chercheurs.
« Des
phases de sécheresses répétées et une urbanisation croissante dans ces zones ne
peuvent qu'aggraver l'état des nappes phréatiques », alertent les
chercheurs.
Selon cette étude, lors de la vague
récente de sécheresse qui a touché la Central Valley en Californie entre 2006
et 2009, les agriculteurs du sud auraient appauvri les eaux souterraines du
volume nécessaire pour remplir le plus grand réservoir artificiel des USA, le
lac Mead près de Las Vegas. Le niveau de prélèvement a donc été supérieur aux
taux de recharge actuels des nappes.
Autre constat : dans les hautes
plaines, un tiers de l'épuisement des eaux souterraines se produit dans seulement
4% de la superficie de cette région.
Et si les tendances actuelles se
poursuivent, les chercheurs craignent également que dans certaines zones du sud des hautes plaines, comme dans
le nord du Texas (région du Panhandle) ou dans l'ouest du Kansas, tout recourt
à l'irrigation des cultures devienne tout simplement impossible d'ici
quelques décennies.
Les chercheurs avancent quelques
propositions pour rendre plus durables les pratiques d'irrigation sur les
cultures dans ces zones, comme remplacer les systèmes d'irrigation par
submersion (utilisés sur environ la moitié des cultures) par des systèmes
d'irrigation par aspersion et de goutte à goutte plus efficaces, tout en développant la pratique des retenues collinaires
("groundwater banking").
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