Wednesday, October 17, 2012

Changement d'adresse

Désormais publiée par Youphil, le média de toutes les solidarités, retrouvez toutes les informations liées aux enjeux de l'eau à l'adresse suivante:

http://lorbleu.blog.youphil.com/

A bientôt,

Ophélie

Thursday, July 19, 2012

Sécheresse aux Etats-Unis : la nécessité de repenser l’agriculture



Les Etats-Unis subissent la pire sécheresse depuis 56 ans, a indiqué lundi l'agence météorologique américaine. 

Selon l'Agence océanique et atmosphérique nationale américaine, la NOAA, environ 55% du territoire continu des Etats-Unis ont été frappés en juin par la sécheresse. Ce chiffre s'appuie sur la définition donnée par l'index Palmer qui définit la sécheresse en fonction des critères basés sur la température et les précipitations.

Ce pourcentage est le plus fort observé dans le pays depuis 1956, année où la sécheresse s'était abattue sur 58% du territoire. Le mois de juin 2012 a été "le 14e mois le plus chaud et le 10e le plus sec" enregistré, selon le communiqué de la NOAA. 

"Les terres arables se sont desséchées et les récoltes et pâturages clôturés ou non se sont dégradés à un point rarement observé au cours des dix huit dernières années", selon la même source.

Journal historique de l'Indiana, le News Sentinel indiquait le 16 juillet que les services météorologiques de cet Etat prévoyaient le plus bas niveau de pluies d'été depuis cent quarante ans. L'absence de précipitations (l'Indiana n'a pas reçu la moitié de ses pluies moyennes sur les trois derniers mois) ajoutée à des chaleurs hors normes — mardi 17 juillet, il faisait 38ºC à Chicago (Illinois), 39ºC à Saint Louis (Missouri) — a transformé ces Etats en "fournaises", selon le terme d'Alex Prud'homme, auteur du livre The Ripple Effect sur les risques d'épuisement de l'eau douce.

Christopher Scott, un professeur en ressources naturelles à l’Université d’Arizona, ne croit pas au scénario de fin du monde liée à une pénurie d’eau, mais il explique qu’elle produit une nouvelle dynamique qui aura des conséquences directes sur la société, notamment du fait de la concurrence grandissante entre les besoins domestiques des citadins, et celui de l’agriculture. Alors, boire ou manger ?


Des récoltes catastrophiques

Dans la Corn Belt (région du Midwest), l’état des cultures de maïs et de soja dimanche s’était encore plus détérioré que ce que ne craignaient les traders de la bourse de Chicago (où se négocient les prix agricoles), et le Département Américain pour l’Agriculture (USDA) a dû réduire la cote du maïs comme cela ne s’était jamais vu depuis plus de dix ans.

« Nous passons d’une crise à un film d’horreur » a déclaré l’agronome Tony Vyn de l’Université de Purdue. « Je vois un nombre croissant de champs qui ne produiront aucune céréale cette année.
Les Etats-Unis exportent plus de la moitié des exportations mondiales de maïs, qui est ensuite transformé en multiples produits, depuis l’amidon à l’éthanol en passant par la nourriture pour bétail.

L’USDA a donné au maïs une note de "bon à excellent" à seulement 31 %, signifiant que seulement 31% de la récolte pourra être exploitée. Le soja a obtenu la note de 34% "bon à excellent", soit 6 points de moins que la semaine précédente. 

« Ils passent le maïs d’un état de « bon à excellent » à un état de « pauvre à très pauvre » chaque semaine, cela indique que c’est bien pire que ce qu’ils pensaient » a déclaré un agriculteur, Larry Winger.

Le soja et le maïs sont deux céréales exportées dans le monde entier, ce qui laisse craindre des pénuries alimentaires mondiales et une inflation sur ces produits.
L’impact sur les prix de la viande et de la nourriture aux Etats-Unis prendra du temps à se faire sentir mais devrait probablement avoir lieu dans les mois à venir.

La semaine dernière, le Secrétaire américain à l’agriculture, Tom Vilsack a décrété l’état de catastrophe naturelle du à la sécheresse dans plus de 1000 comtés à travers le pays.

 Des pertes colossales en 2011

Le Texas a connu la sécheresse la plus chère de son histoire en 2011, et probablement la plus coûteuse qu’aucun Etat n’a jamais connue auparavant.

"Personne de son vivant n’avait connu de tels dégâts dus à la sécheresse d'une seule année», a déclaré Travis Miller, économiste agricole à la Texas A & M University.

«Les agriculteurs et les éleveurs du Texas ne sont pas étrangers à la sécheresse, mais l'intensité de la sécheresse illustrée par des records de chaleur, de faibles précipitations, de vents sans précédent et d’une durée extrêmement longue, tout a joué dans la destruction de la production agricole», a t-il ajouté.

Les nouveaux chiffres publiés début mars par l'Université vont au-delà des estimations de 5,2 milliards de dollars de pertes publiées l'automne dernier, qui ne comptait que les pertes enregistrées jusqu'à la fin août.

Les plus touchés sont les éleveurs de bétail de l'État, suivie par les producteurs de coton. Le Texas est de loin le plus grand producteur de ces deux produits aux États-Unis, produisant environ 15% des bovins de boucherie et 25% du coton de la nation, selon le Ministère américain de l'Agriculture. Les pertes des producteurs de bétail s'élèvent à 3,23 milliards de dollars, et celle des producteurs de coton à 2,2 milliards de dollars.

"Les conséquences de ces pertes sur les familles agricoles du Texas est énorme", a conclu Hall Gene de l’Agence gouvernementale pour les fermes du Texas.

Même les fermes irriguées ont perdu d’énormes quantités de récoltes, l’eau fournie ne suffisant pas à renverser la tendance provoquée par l’absence de précipitations. « La sécheresse avait débuté à l’automne 2010, si bien que beaucoup de pâturages n’ont pas verdi après l’hiver » explique Miller.


Des cultures trop gourmandes en eau

Au Nebraska, où la plupart des agriculteurs irriguent leur maïs, le flux des cours d’eau et des fleuves a tellement diminué que l’Etat a demandé à 1 100 agriculteurs de l’Etat d’arrêter de pomper l’eau dans les cours d’eau et d’utiliser des puits à la place.

Le 29 mai 2012, une nouvelle étude américaine utilisant les données du projet Grace (Gravity recovery and climate experiment) publiée dans une revue de l'Académie des Sciences Américaine alerte sur l'importance de pratiques d'irrigation durables des cultures aux Etats-Unis dans les hautes plaines et dans la Vallée centrale californienne, deux des principales régions agricoles nord-américaines.

Le risque est de voir la sécurité alimentaire du pays gravement remise en cause, menacée par l'épuisement des réserves d'eaux souterraines.

L'étude donne une image temporelle et spatiale très précise de l'épuisement des eaux souterraines dans ces deux régions américaines qui ont produit ensemble pour près de 56 milliards de dollars de denrées agricoles en 2007 - soit une grande partie de la production alimentaire des Etats-Unis. Elles sont également responsables pour moitié de la diminution du niveau des eaux souterraines aux États-Unis, principalement à cause de l'irrigation des cultures, indiquent les chercheurs.

 « Des phases de sécheresses répétées et une urbanisation croissante dans ces zones ne peuvent qu'aggraver l'état des nappes phréatiques », alertent les chercheurs.

Selon cette étude, lors de la vague récente de sécheresse qui a touché la Central Valley en Californie entre 2006 et 2009, les agriculteurs du sud auraient appauvri les eaux souterraines du volume nécessaire pour remplir le plus grand réservoir artificiel des USA, le lac Mead près de Las Vegas. Le niveau de prélèvement a donc été supérieur aux taux de recharge actuels des nappes.

Autre constat : dans les hautes plaines, un tiers de l'épuisement des eaux souterraines se produit dans seulement 4% de la superficie de cette région.

Et si les tendances actuelles se poursuivent, les chercheurs craignent également que dans certaines  zones du sud des hautes plaines, comme dans le nord du Texas (région du Panhandle) ou dans l'ouest du Kansas, tout recourt à l'irrigation des cultures devienne tout simplement impossible d'ici quelques décennies.

Les chercheurs avancent quelques propositions pour rendre plus durables les pratiques d'irrigation sur les cultures dans ces zones, comme remplacer les systèmes d'irrigation par submersion (utilisés sur environ la moitié des cultures) par des systèmes d'irrigation par aspersion et de goutte à goutte plus efficaces, tout en  développant la pratique des retenues collinaires ("groundwater banking").


Wednesday, July 18, 2012

Euractiv: Tout le monde pourra t-il boire à sa soif?

Un article du site d'infos européennes en ligne Euractiv, dont le titre résume mal la vision et la démarche. Mais un très bon résumé des inquiétudes en Europe et ailleurs liées à l'eau, à la sécurité alimentaire et au développement. De bonnes infos générales, un must-read en somme! 


Bonne lecture

"Le troisième hiver sec d'affilée en Angleterre a amené les autorités britanniques à envisager des mesures de conservation. Le gouvernement chinois a quant à lui affirmé que deux tiers des villes du pays étaient confrontés à de sévères pénuries d'eau en raison de la sécheresse et de la croissance de la consommation.
« Nous sommes confrontés à une sécheresse qui dure depuis trois hivers, c'est pour ça que la situation est grave », a expliqué Terry J. Marsh, le responsable du Programme national de surveillance hydrologique au Centre for Ecology & Hydrology de Grande-Bretagne.
Il y a un an, les agriculteurs étaient les plus touchés par cette sécheresse, « mais aujourd'hui, le problème s'étend à l'environnement et surtout aux ressources en eau ».
Les périodes de sécheresse prolongées menacent certaines régions en Chine, en Russie, en Australie, en France, en Espagne, au Portugal et au sud des Etats-Unis depuis plusieurs années, ce qui affecte la production alimentaire et soulève des questions quant à la stabilité à long terme des réserves d'eau.
Il est difficile de déterminer s'il s'agit de problèmes cycliques ou d'une preuve que le changement climatique change la donne et pourrait donner lieu à des situations encore plus dramatiques dans les décennies à venir. La communauté scientifique s'accorde toutefois sur le fait que l'Homme doit modifier ses habitudes de consommation et utiliser plus efficacement ses réserves en eau.
« L'humanité est confrontée à la variabilité du climat depuis le début de son histoire », a affirmé Jan Lundqvist, conseiller scientifique senior à l'Institut International de l'Eau de Stockholm. « Mais la gravité des sécheresses augmente. »
Le mois dernier, des fonctionnaires de l'ONU ont appelé l'Union européenne et d'autres donateurs à agir pour éviter à quelque 10 millions de personnes de mourir de faim dans la région asséchée du Sahel en Afrique, quelques mois à peine après que la pire sécheresse en plus de 50 ans a entraîné une crise alimentaire en Afrique orientale.
En route pour Marseille et Rio
Les réglementations portant sur l'eau et l'approvisionnement font partie des sujets qui seront abordés lors du Forum Mondial de l'Eau à Marseille du 12 au 17 mars prochain.  Les dirigeants européens ont également promis d’inclure la conservation de l'eau dans le programme de la conférence de l'ONU  sur le développement durable qui aura lieu à Rio de Janeiro en juin prochain.
La Commission européenne, qui a annoncé que 2012 serait l'Année de l'Eau, s'apprête quant à elle à réviser certaines des lois et politiques européennes dans ce domaine.
La sécheresse peut ne toucher qu'une partie d'un pays, comme c'est le cas au Royaume-Uni, où elle affecte surtout le centre, le sud et l'est de l'Angleterre et où les précipitations restent normales dans le reste du pays.
A l'échelle mondiale, les problèmes liés à l'eau découlent moins du manque de pluie que de l'utilisation des réserves, un défi qui ne fera que grandir au fil des décennies à venir. La population de la Terre a doublé entre 1950 et 1990. L'ONU affirme qu'elle pourrait à nouveau presque doubler, pour atteindre 9 milliards de personnes d'ici 2050.
La pollution et la consommation menacent les réserves d'eau douce, surtout dans les régions déjà sous pression comme les zones urbaines du Moyen-Orient, l'Asie du Sud et l'Afrique.
« Nos réserves d'eau diminuent chaque jour », a déclaré le mois dernier à la presse Hu Siyi, un haut fonctionnaire chinois en charge de ces questions. Selon lui, deux tiers des villes chinoises sont confrontées à des pénuries d'eau.
L'Europe est loin d'être immunisée contre ce problème, malgré le temps humide qui caractérise ce mois de mars. Des chercheurs du Centre Helmholtz pour la recherche environnementale en Allemagne ont affirmé que les pays de l'UE devraient relever des défis liés aux pénuries et à la pollution. Ils ont appelé à une meilleure gouvernance en la matière de la part de l'UE.
Des études montrent que les prélèvements d'eau de rivières comme dans le bassin d'Andalousie en Espagne, dans le Sado au Portugal, ainsi que dans le Rhin et le Rhône en France ne sont pas durables. L'Elbe, la Weser et le Rhin en Allemagne et la Tamise en Grande-Bretagne sont également sous tension.
La pollution et les problèmes écologiques sont également à blâmer. C'est ce que montre une récente étude du centre Helmholtz qui réclame des protections renforcées contre la pollution et les déchets aux niveaux national et européen.
Les toilettes qui fuient et les longs bains ne sont pas toujours les causes principales des problèmes liés à l'eau. En Angleterre, des fonctionnaires ont affirmé que les ménages et l'industrie étaient devenus plus efficaces dans leur utilisation de l'eau ces dernières années. La production végétale pour l'alimentation, le bétail et les biocarburants continue de croître, en parallèle à la consommation d'eau. L'ONU estime que l'agriculture compte pour 70 % de la consommation d'eau douce dans le monde.
« L'approvisionnement des ménages et de l'industrie n'est pas le principal problème. Les quantités d'eau nécessaires pour produire notre pain quotidien, voilà le réel problème », a expliqué M. Lundqvist.
Gaspiller de la nourriture revient à gaspiller de l'eau et le Parlement européen a récemment réclamé des mesures radicales pour réduire le gaspillage, afin de préserver les ressources.
« Beaucoup plus de gens mangent trop en comparaison au nombre de personnes qui ne reçoivent pas suffisamment de nourriture », a affirmé M. Lundqvist qui craint que le problème de la consommation alimentaire excessive se propage, alors que la classe moyenne commence à s'imposer dans les pays en développement. « Je pense qu'il faut prendre ces aspects en compte lorsque l'on parle de l'alimentation et des réserves en eau dans le monde. »
Des millions sont en jeu
Dans la région du Sahel et en Afrique orientale, les problèmes sont tout autres. Les conflits, le manque d'infrastructures de stockage et une irrigation rudimentaire entraînent une sécheresse chronique.
L'UE, le plus grand donateur au monde, a promis d'aider davantage les pays les plus pauvres au monde. Par le passé, elle a soutenu des projets visant à améliorer la gestion de l'eau dans les pays en développement. Cette aide a atteint 1,6 milliard d'euros pour l'eau et l'assainissement en 2009 et la Commission européenne a promis 700 millions d'euros supplémentaires pour les problèmes liés à l'eau et d'autres objectifs de développement en décembre dernier.
Le plus souvent, cet argent est alloué à la résolution de crises humanitaires comme lorsque la sécheresse a frappé l'Afrique orientale, laissant 13 millions de personnes sans nourriture et sans eau, selon l'Unicef. Ce sont toutefois des investissements à long terme dans des puits, des infrastructures de stockage et d'irrigation qui sont nécessaires, a affirmé Aydrus Daar qui dirige l'organisme de charité WASDA au Kenya et en Somalie.
Les graves sécheresses étaient auparavant séparées par des années, voire des décennies, mais aujourd'hui, elles durent des années, a-t-il expliqué à EurActiv lors d'une visite à Bruxelles pour tenter de rallier des partisans à sa cause dans la Corne de l'Afrique. Le cheptel des pasteurs s'est décimé durant trois années consécutives en raison de la sécheresse, ce qui alimente les tensions et le désespoir.
« La population est soit en plein milieu d'une sécheresse, soit en train de se préparer à en vivre une nouvelle », a-t-il déclaré. « C'est la raison pour laquelle c'est si dangereux. »
RÉACTIONS : 
Lors de la conférence sur l'eau du 20 février, la ministre britannique de l'environnement, Caroline Spelman, a déclaré : 
« Les sécheresses sont déjà un problème cette année, dans la mesure où le Sud-Est, l’Anglia et d'autres régions du Royaume-Uni sont officiellement en période de sécheresse. D'autres régions devraient être affectées si les précipitations ne remontent pas. »
« Ce n'est pas uniquement au gouvernement, aux sociétés qui gèrent l'eau et aux entreprises d'agir contre la sécheresse. Nous demandons l'aide de tous : chacun doit réduire sa consommation dès maintenant. »

Timothy Spence - traduit de l'anglais par Amandine Gillet

Tuesday, July 17, 2012

Facebook et les travailleuses de l'eau


C'est un partenariat hors du commun qu'a mis en place Facebook avec le groupe agro-alimentaire Unilever et l'organisation internationale PSI, consacrée à la santé. Ensemble, ils ont lancé l'application Facebook Waterworks. Leur objectif : pousser une partie des 900 millions d'utilisateurs du réseau social à s'engager en faveur de l'accès à l'eau potable.
Le projet propose aux internautes de donner quotidiennement une petite somme, comme 10 cents, pour financer des projets soutenus par PSI. Jusqu'ici, rien de nouveau. Mais l'originalité de cette application est qu'elle vous lie automatiquement avec une "travailleuse de l'eau" à l'autre bout du monde, qui bénéficiera de vos dons.

Des travailleuses équipées de smartphones

Ces femmes, formées et embauchées par PSI, font un travail de prévention dans les communautés et leur fournissent des purificateurs d'eau. Equipées d'un smartphone, elles rendent compte, sur Facebook, des avancées réalisées grâce aux dons des internautes : nombre de litres d'eau potable fournis, nombre de personnes atteintes, etc... Elles publient aussi des photos et des vidéos de leur action sur le terrain.



Un concept intelligent, qui réunit plusieurs tendances porteuses dans le domaine de la philanthropie :
- Le micro-don, accessible à tous, et notamment aux plus jeunes, qui représentent une grande partie des utilisateurs de Facebook
- La transparence, considérée par de nombreux donateurs comme insuffisante. Ici, chaque don génère un résultat, accompagné de "preuves" émanant directement du terrain
- Le buzz, grâce à Facebook et au partage des informations reçues. Ainsi, chaque donateur peut se vanter auprès de ses contacts d'avoir aidé un certain nombre de personnes... Ce qui les incitera, bien entendu, à faire de même.



Source: Morgane Tual qui tracke les initiatives solidaires high-tech sur Youphil! 

Thursday, July 5, 2012

Le barrage des Trois-Gorges à plein régime




PEKIN - (AFP) - Le barrage des Trois Gorges sur le fleuve Yangtsé, le plus grand ouvrage hydroélectrique du monde, a commencé mercredi à tourner à pleine capacité alors que la dernière de ses 32 turbines a été mise en service, a rapporté l'agence Chine nouvelle.
"Le fonctionnement à plein régime des générateurs fait du barrage des Trois Gorges le plus grand projet hydroélectrique du monde et la plus grande base (de production) d'énergie propre", a déclaré Zhang Cheng, directeur général de China Yangtsé Power Co., l'opérateur de la centrale, cité par l'agence officielle.
Les turbines du barrage ont une capacité électrique combinée de 22,5 millions de kilowatts (22.500 mégawatts), soit l'équilavent d'une quinzaine de réacteurs nucléaires récents.
Ce barrage a notamment provoqué de nombreux glissements de terrain près des rives du lac long de 600 km qui s'est formé en amont ainsi qu'une pénurie d'eau dans la plaine de Chine centrale, située en aval.
La construction de cet ouvrage pharaonique avait démarré en 1994 en dépit des mises en garde de nombreux experts chinois et étrangers. Il a nécessité le déplacement de 1,4 million de personnes,  et a été critiqué par de nombreux experts chinois et étrangers.  «Maintenant que le barrage fonctionne, les problèmes sont patents et ont atteint une telle ampleur que le gouvernement ne peut plus les ignorer», a déclaré à l'AFP Patricia Adams, qui dirige l'organisation Probe International basée au Canada, laquelle recense depuis de longues années toutes les difficultés des Trois Gorges. Aujourd'hui, les dirigeants chinois «cherchent à se protéger parce que le barrage est devenu un symbole de tout ce qui ne va pas dans les prises de décision politiques en Chine», selon elle.

La qualité de l’eau s’est dégradée

A Badong, le relief escarpé a toujours été propice aux glissements de terrain, mais selon la population locale, cela a clairement empiré. Les murs du principal lycée de la ville sont traversés par des craquelures qui s'agrandissent, tandis que le gouvernement local a ordonné le relogement de dizaines de milliers de personnes sur des terres plus sûres situées loin du fleuve, sur les hauteurs.
L'opérateur du barrage, qui a refusé de répondre aux questions de l'AFP, soulignait encore récemment les retombées positives du projet. A l'été 2011, il a permis de réduire la crue la plus grave que le Yangtsé ait connu en dix ans. Mais au printemps, suite à la pire sécheresse dans le centre de la Chine en plusieurs décennies, certains lacs naturels en aval des Trois Gorges étaient à sec. Il «peut écrêter les crues, mais les gens se rendent désormais compte que cela signifie moins d'eau dans ces lacs, et diminue beaucoup les ressources en eau de la région», selon Ma Jun, auteur du livre La crise de l'eau en Chine. Aussi les régions situées en aval envisagent-elles de construire leurs propres barrages, tandis que des dizaines d'autres ont été achevés ou sont en cours de réalisation sur le cours supérieur du fleuve et de ses affluents. «Les perturbations du système hydrologique du Yangtsé n'augurent rien de bon pour des millions de gens qui vivent de la pêche, de l'agriculture et du commerce», avertit Patricia Adams. Quant à la qualité de l'eau, elle s'est dégradée avec le ralentissement du débit du fleuve.

Certains géologues estiment même que l'énorme masse d'eau retenue par le barrage pourrait être à l'origine de mouvements tectoniques.

Mais le gouvernement chinois et les partisans du barrage soutiennent qu'outre la production d'électricité, ce barrage a permis de mieux réguler le cours du Yangtsé, la plus grande voie navigable en Chine reliant Chongqing dans le sud-ouest du pays à Shanghai, en passant par Wuhan (centre) et Nankin (est).
La première turbine des Trois Gorges avait été mise en service en juillet 2003. Le coût de l'ouvrage représente 22,5 milliards de dollars (17,9 milliards d'euros).

© AFP



Dans un article du Monde de l'an dernier, le géologue et militant écologiste basé à Chengdu, dans le Sichuan, Yang Yong, 51 ans, a répondu aux questions d'un journaliste et met en garde sur les liens de causalité entre les barrages et la pénurie d'eau. Courts extraits: 

La sécheresse qui frappe le bassin du moyen et bas Yangzi a-t-elle un lien avec le barrage des Trois-Gorges ?

Yang Yong : L'alternance entre sécheresse et inondation dans la zone du fleuve Yangzi est normale. Même sans le barrage des Trois-Gorges, dans les conditions climatiques actuelles de températures élevées et d'absence de pluie dans le bassin du moyen et du bas Yangzi, la sécheresse aurait quand même eu lieu.
Mais, ces dernières années, on a constaté que le manque d'eau dans ces régions du Yangzi, ainsi que l'assèchement des lacs, était devenu un phénomène récurrent. Les projets hydroélectriques ont une grande responsabilité dans cette situation. Toute une série de centrales et de réservoirs construits le long des affluents du Yangzi, dans le Hubei et le Hunan, ne respectent pas les périodes d'étiage et de remplissage. Cela affecte l'alimentation des lacs en aval. J'ai constaté cette année que beaucoup de ces barrages avaient des niveaux très bas. Sauf celui des Trois-Gorges qui semblait bien rempli. En principe, les barrages doiventpouvoir remédier aux situations critiques.
Or, la gestion des ressources en eau entre les différents projets n'est pas coordonnée. Les opérateurs sont souvent en concurrence. Chacun veutmaximiser ses profits. En urgence, il a été décidé d'ouvrir plus grand les vannes du barrage des Trois-Gorges [le 20 mai], le débit est même passé ces derniers jours à 12 000 mètres cubes par seconde. Or, le niveau d'eau du barrage n'est pas loin de son seuil minimal [140 mètres], et on s'aperçoit que  cela ne suffit pas à soulager les effets de la sécheresse !

La générosité du Yangzi semblait tellement inépuisable qu'on a construit les Trois-Gorges, et que deux canaux de diversion des eaux du sud au nord sont en chantier, le troisième étant à l'étude. La sécheresse actuelle indique-t-elle qu'on a atteint une limite?
En Chine, la priorité numéro un dans le développement des ressources fluviales est la production d'électricité. Or, cela se fait au détriment des autres fonctions des fleuves. En outre, il est impératif de s'interroger bien plus en avant sur le fait que les désastres naturels et climatiques sont de plus en plus fréquents. Il y a de grosses lacunes dans la planification des ressources fluviales et leur répartition. Il faut se réveiller.
Le très grand nombre de barrages sur le Yangzi et ses affluents, couplé aux projets de diversion des eaux du sud au nord, auxquels s'ajoutent les problèmes récurrents d'inondation et de sécheresse, vont exacerber les conflits autour des ressources en eau. La pénurie d'eau est structurelle. Bientôt, la guerre de l'eau le sera aussi ! Certaines des centrales en projet ne pourront pas être viables.


Pour aller plus loin, un article de la revue scientifique en ligne Vertigo ICI

Tuesday, July 3, 2012

Gestion de l’eau : entre conflits et coopération

Un must-read concernant les enjeux de coopération liés à l'eau dans le monde, publié le lundi 14 janvier 2008 par Philippe Rekacewicz et Salif Diop, dans le Monde diplomatique. 


Philippe Rekacewicz est géographe, cartographe et journaliste. Collaborateur permanent du Monde diplomatique depuis 1988, il a participé de 1996 à 2006 au développement d’une unité — délocalisée en Norvège — du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), le GRID-Arendal. Il s’intéresse aux relations qui unissent la cartographie avec l’art, la science et la politique (apports de l’art dans la production des cartes, utilisation politique de la carte comme objet de propagande et de manipulation). Depuis 2006, tout en continuant d’assurer à plein temps ses activités au Monde diplomatique, il participe à divers projets politico-artistiques en France, en Allemagne, en Suisse, en Norvège, aux Etats-unis et en Autriche.


Salif Diop est chef de projet pour le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) à Nairobi.

« Il est plus facile et plus équitable de se répartir les bénéfices de l’exploitation de l’eau que l’eau elle-même. » C’est par cette équation que M. Aaron Wolf exprime le mieux le problème : pourquoi se faire la guerre pour s’approprier une ressource, si une gestion partagée en permet non seulement l’accès, mais aussi une exploitation économique qui « rapporte » ? Les exemples de coopération sont plus nombreux que les conflits lorsqu’il s’agit de partager l’eau. Bien que les divergences et les tensions entre Etats concurrents persistent, on est encore bien loin des « guerres de l’eau » dont on nous annonce l’imminence depuis quelques années.
Si les données du problème restent simples, les pratiques politiques et les enjeux stratégiques compliquent souvent la lecture des situations régionales. En Asie centrale ex-soviétique, par exemple, les Etats ne se perçoivent pas en conflit les uns avec les autres. Ils multiplient les traités de coopération, les réunions internationales au cours desquelles ils n’oublient jamais de réaffirmer l’amitié indéfectible qui lie leurs pays. Sur le papier, les accords de gestion transfrontalière semblent fonctionner, mais, sur le terrain, pratiquement aucun quota n’est respecté, ce qui crée des tensions à toutes les échelles : de la parcelle, du district ou de l’Etat.
L’eau, dont la caractéristique est de se mouvoir rapidement en surface ou en sous-sol, est une ressource matérielle qui, à la différence de beaucoup d’autre, est découplée de la géographie politique. « Elle fait fi des frontières qu’elle franchit sans passeport », rappellent Kevin Watkins et Arunabha Ghosh [1]. Elle est donc avant tout une ressource partagée qui nécessite une gestion transfrontalière commune. Les pays partageant l’eau d’un même bassin sont « condamnés » à coopérer s’ils ne veulent pas se battre pour en avoir le contrôle. L’eau partagée peut être un atout dans la paix comme dans la guerre.
Ce sont non seulement les Etats qui sont en concurrence pour l’usage de l’eau, mais encore, dans ces mêmes Etats, les différents secteurs de l’économie (industrie, agriculture, usage domestique). Les relations des pays en amont (qui contrôlent les sources) et ceux situés en aval (qui reçoivent les débits « décidés » par les pays en amont) sont complémentaires. Les mécanismes institutionnels existent, mais, au-delà des discours, la réalité montre qu’ils fonctionnent mal. Kevin Watkins et Arunabha Ghosh rappellent enfin que « l’usage que l’on peut faire de l’eau en un lieu donné dépend de celui qui est fait en d’autres lieux ».

Quelques exemples de conflits régionaux

En Inde, le déclenchement du conflit autour du fleuve Cauvery s’est fait autour de l’usage concurrent de l’eau entre l’Etat du Tamil Nadu, en aval du fleuve (région traditionnelle d’agriculture irriguée), et celui de Karnataka, en amont, où le développement de l’agriculture irriguée est relativement récent. Les prélèvements en amont avaient provoqué une grave pénurie en aval et conduit à des violences entre les populations des deux Etats qui avaient refusé de se soumettre à une décision de justice rendue dans le cadre de ce conflit.
Dans le Bassin du Mékong, en 1994, dans les mois qui suivirent l’inauguration du barrage thaïlandais de Pak Mun, en amont du fleuve, les conditions environnementales se détériorèrent rapidement. Les stocks de poissons, en particulier, diminuèrent sensiblement, affectant gravement les conditions de vie de plus de 25 000 personnes qui dépendaient directement de la pêche pour survivre. Ces populations victimes se battent encore aujourd’hui pour obtenir réparation.
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Bassin du Mékong
Philippe Rekacewicz, 2006
En Afrique australe, deux conflits majeurs se cristallisent autour de la gestion des ressources en eau. Les revendications hydrologiques du Botswana pour la préservation du delta de l’Okavango-Makgadikgadi et de son écotourisme (dont les retombées financières sont importantes) sont à l’origine d’un conflit avec la Namibie (situé en amont du fleuve) qui envisage de canaliser l’eau de l’Okavango vers la capitale Windhoek pour couvrir les besoins en consommation industrielle et domestique. Par ailleurs, la construction du système de barrages et les transferts d’eau dans le secteur sud-africain du bassin de l’Incomati ont réduit le débit d’eau douce dans l’estuaire du fleuve situé au Mozambique, et ont entraîné la salinisation du bassin et la dégradation des écosystèmes de l’estuaire, notamment la disparition des plantes et des animaux qui présentaient une intolérance au sel et qui constituaient les seuls moyens de subsistance des populations de cette région.
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L’Asie centrale est le théâtre depuis plus de cinquante ans d’un conflit parmi les plus persistants de la planète pour l’utilisation de l’eau des deux fleuves Amou Daria et Syr Daria, qui alimentent tous deux la mer d’Aral. La distribution géographique très particulière des ressources en eau met ces pays en état de forte dépendance les uns vis-à-vis des autres. Aucun d’eux ne peut gérer ses ressources hydrologiques sans négocier avec ses voisins sur la manière de le faire. A part le Kazakhstan, équitablement pourvu en eau et richesses énergétiques, on peut tracer une ligne de partage entre :
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Disponibilité en eau en Asie centrale
Ph. R. 2004
- le sud-est regroupant deux pays « amonts » (Kirghizstan et Tadjikistan) qui possèdent la quasi-totalité des sources d’eau mais sont dépourvus de gaz et de pétrole (par contre grands producteurs d’énergie hydro-électrique),
- et le sud-ouest, avec deux pays « avals » (Ouzbékistan et Turkménistan) riches en pétrole et en gaz, mais n’ayant pas ou très peu de sources d’eau (malgré d’énormes besoins pour irriguer les immenses surfaces couvertes de cultures de coton et de riz).
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Gestion de l’eau dans la valléée du Fergana
Ph. R. 2004
Les champs de coopérations économiques sont nombreux et apparemment logiques, les uns possédant l’or bleu, les autres l’or noir. Mais ce serait sans compter avec la complexité du grand jeu géopolitique régional dans lequel les ressources en eau sont utilisées non seulement pour l’irrigation et la production d’électricité, mais aussi comme moyen de pression politique sur les pays voisins.
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Gestion et pollution de l’eau en Asie centrale
Ph. R. 2003
Au Proche-Orient et dans les pays du Golfe, la pénurie d’eau est une réalité qui alimente aussi les tensions. Dans cette région, on est passé d’une situation de stress hydrique à une situation de pénurie, qui pourrait bien à l’avenir s’accentuer et devenir critique. La résolution des questions liées à l’usage de l’eau conditionne en partie les espoirs de paix. L’Etat hébreu n’a guère de ressources propres en eau, si ce n’est les nappes phréatiques palestiniennes de Cisjordanie qu’il exploite illégalement pour son propre profit. Il dépend essentiellement du Jourdain et de sources situées au Liban et en Syrie. Pour Israël, la protection « militaire » de ces sources d’approvisionnement n’est pas un vain mot : en 1964, sous la menace d’une opération armée israélienne, un projet de canal de dérivation sur le plateau du Golan entre les fleuves Hasbani (Liban) et Yarmouk (Syrie) ne fut jamais réalisé. En 2001, les Israéliens ont à nouveau menacé de bombarder un tout nouveau canal de dérivation des eaux du même fleuve Hasbani, et un peu plus tard promettaient le même sort au barrage de l’Unité en construction sur le fleuve Yarmouk, si toutefois il était mis en service…
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L’eau au Proche-Orient
Ph. R. 2007
Les Etats de la région ont accru leurs prélèvements, compromettant le renouvellement de la ressource. Les eaux de surface n’étant guère abondantes, ils ont surexploité les nappes souterraines. Au Liban et en Jordanie, comme en Arabie saoudite ou dans les Emirats arabes unis, la baisse du niveau des nappes s’est accompagnée d’intrusions d’eau salée dans les puits. En quête de sources d’eau douce alternatives, Israël et les Etats pétroliers de la péninsule ont intensifié leur recours aux usines de dessalement. Israël a aussi signé un accord pour le transfert d’eau douce par tanker depuis la Turquie.
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Géopolitique de l’eau dans le Golfe
Ph. R. 2002
Dans le bassin du Tigre et l’Euphrate, c’est la Turquie qui détient la clé de l’approvisionnement en eau. Ces régions, sans irrigation, seraient pour l’essentiel vouées à la steppe et au désert. Le Tigre et l’Euphrate prennent leur source dans les montagnes anatoliennes, dont les neiges alimentent le débit des fleuves. L’Euphrate parcourt 500 km en Turquie, traverse la Syrie sur 650 km avant de serpenter encore sur 1 600 km en Irak. Il y rejoint le Tigre, qui coule pour les deux tiers de son cours en terre irakienne.
Avec la pression démographique, l’irrigation a progressé. Pour étendre les terres cultivées, les Etats ont élevé des barrages. Ils se sont même livrés à une surenchère qui a failli dégénérer en conflit militaire entre la Syrie et l’Irak, lors de la mise en eau du barrage de Tabqa dans les années 1970. Dans le sud de l’Irak, le Tigre et l’Euphrate s’écoulent en de multiples bras dans une zone de marais, traditionnellement peuplée de musulmans chiites. En 1991, à la suite de la guerre du Golfe, la population chiite s’est soulevée contre le régime de Saddam Hussein, qui, en réponse, a entrepris d’assécher les marais. La mise en œuvre du GAP (Great Anatolian Project), projet pharaonique de fragmentation des fleuves en Turquie, continue de susciter une vive inquiétude en Syrie et en Irak, où l’on craint une réduction sensible du débit.
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Le Tigre et l’Euphrate
Ph. R. 1998, mise à jour 2003
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Les marais du sud de l’Irak
Hassan Partow, Grid-Geneve, 2003
Depuis la chute de Saddam Hussein en 2003,
ces marais ont été réhabilités.
Si les pénuries persistent et se généralisent, les risques de conflits ouverts seront de plus en plus réels, et la seule voie sera celle de la négociation pour arriver à des accords ou des traités équitables. Mais encore faudra-t-il créer les conditions — gouvernance, processus de contrôle, éventuellement police — assurant l’application de ces accords sur le terrain. C’est à la suite d’une longue négociation que tous les pays riverains du Rhin ont accepté d’assumer l’énorme coût du draguage du port de Rotterdam (élimination de la vase polluée déposée par le fleuve). Il a fallu mettre en place un mécanisme institutionnel complexe et une structure de suivi pour arriver à ce résultat. Malheureusement, pour beaucoup d’autres régions, ces mécanismes n’existent pas encore.

A lire aussi

Frédéric Lasserre et Luc Descroix, Eaux et Territoires : tensions coopérations et géopolitique de l’eau et L’eau dans tous ses états, L’Harmattan, Paris, 2003.
Frédéric Lasserre, L’eau, enjeu mondial : géopolitique du partage de l’eau, Le Serpent à plume, Paris, 2003.
Georges Mutin, L’eau dans le Monde arabe, Carrefours de la géographie, Ellipse, 2000.
« Géopolitique de l’eau », Hérodote n° 102, 3e trimestre 2001.
Mohamed Larbi Bouguerra, Les batailles de l’eau : pour un bien commun de l’humanité, Enjeux Planète, Paris, 2003.
Reclaiming public water : achievments, struggles and visions from around the world, Transnational Institute (TNI and Corporate Europe Observatory (CEO), 2005.
Aaron Wolf, Atlas of the International Freshwater Agreement, PNUE, 2002.
Sylvie Paquerot, Un monde sans gouvernail : Enjeux de l’eau douce, Athéna, Outremont, Québec, 2005.
Salif Diop et Philippe Rekacewicz , Atlas Mondial de l’eau : une pénurie annoncée, Editions Autrement, Paris, 2003.
P. J Ashton, Avoiding Conflicts over Africa’s Water Resources, « Ambio », vol. 31, n° 3, mai 2002.
Vandana Shiva, La guerre de l’eau : privatisation, pollution et profit, Parangon, Paris, 2003.
Marc Laimé, L’eau : Pénurie, pollution, corruption, le Seuil, Paris, 2003.
Roger Cans, La bataille de l’eau, Le Monde éditions, Paris, 1994.
L’eau, source de vie, source de conflits, 15e forum « Le Monde diplomatique - les Carrefours de la pensée », Le Mans, 2005.

Sites Internet

- Sur le site The world’s water du Pacific Institute, lire la chronologie (fichier pdf téléchargeable) consacrée aux conflits liés à la gestion de l’eau
- Le blog de Marc Laimé : Carnets d’eau
- Office international de l’eau
- Aquastat - FAO
- openDemocracy : A global thirst : water, power and the poor
- openDemocracy : Vanishing shorelines, Hunting Down Water in India
- openDemocracy : Kazakhstan : glaciers and geopolitics
- Eau secours !
- H2O.net
- Transboundary freshwater dispute database
- Planète bleue info
- Pacific Institute : information on the world’s freshwater resources
- International rivers : people, water, life
- Association suisse pour le contrat mondial sur l’eau (ACME)
- Unesco : Bulletin d’information du portail de l’eau n° 112 (l’eau et la paix)
- Unesco : Ressources mondiales en eau au XXIe siècle

Notes

[1Human Development Report 2006, Beyond scarcity : Power, poverty and the global water crisis, United Nations Development Programme (UNDP).

Friday, June 29, 2012

Lecture du week-end


La bible des questions de marchandisation de l'eau et du droit à l'eau se trouve ICI (en français).

Maude Barlow est la présidente nationale du Conseil des Canadiens, le plus grand groupe de défense d’intérêts publics au Canada comptant des membres et des sections à travers le Canada; elle a également fondé le Blue Planet Project, qui travaille pour stopper la réification de l’eau du monde.


Elle est aussi une directrice de l’International Forum on Globalization, un établissement de recherche et d’éducation de San Francisco opposé à la mondialisation de l’économie. Récipiendaire de nombreux prix d’éducation. Maude Barlow a également reçu quatre doctorats honoraires de six universités canadiennes
pour son travail en matière de justice sociale. Elle est l’auteur à succès ou co-auteur de quatorze livres. Ses publications les plus récentes sont L'Or Bleu : la crise de l'eau dans le monde et la transformation de l'eau en marchandise (avec Tony Clarke), sorti dans 40 pays.


« La situation est on ne peut plus claire: la planète est sur le point de manquer d'eau douce. Mais cette ressource vitale ne doit pas devenir une marchandise qu'on vend au plus offrant. L'eau douce appartient à la Terre ainsi qu'à tous les êtres vivants. Personne n'a le droit de s'approprier cette richesse pour en tirer profit. Mondialement de simples citoyens se sont mobilisés. Refusant la transformation de l'eau en marchandise, ces citoyens et citoyennes s'emploient à reprendre le contrôle de ce patrimoine commun, devenant ainsi les « gardiens » des réseaux qui alimentent notre milieu de vie. » 


« Sous le modèle actuel de mondialisation, tout est à vendre. Les zones autrefois considérées comme notre patrimoine commun sont marchandisées, commercialisées et privatisées à un rythme alarmant. Aujourd'hui, plus que jamais, les cibles de cette agression comprennent les blocs constitutifs de la vie comme nous la connaissons sur cette planète, notamment l'eau douce, le génome humain, les semences et variétés de plantes, l'air et l'atmosphère, les océans et l'espace extra-atmosphérique. La défense de ces richesses communes est l'une des grandes luttes idéologiques et sociales de notre temps. »
— Maude Barlow, Discours d'acceptation du prix Nobel alternatif 9 décembre 2005




Thursday, June 28, 2012

Coca-cola en Inde: "l'eau côté coca-cola"





Le groupe américain Coca-Cola et ses embouteilleurs locaux ont annoncé mardi qu'ils comptaient investir 5 milliards de dollars en Inde d'ici 2020, soit 3 milliards de plus que prévu initialement, pour développer leur présence dans les boissons sans alcool. L'accroissement des investissements du groupe doit lui permettre de doubler ses ventes dans ce pays d'ici la fin de la décennie, a expliqué son PDG Muhtar Kent, cité dans un communiqué diffusé par l'entreprise.
Coca-Cola a longtemps été banni d'Inde et son retour dans le pays en 1993 avait symbolisé aux yeux des investisseurs l'ouverture à l'international d'une économie longtemps corsetée dans un nationalisme rigide.
« Un potentiel de croissance énorme »
L'investissement annoncé mardi est considérable aux sommes investies par le groupe au cours des 19 dernières années qui ne dépassent pas 2 milliards. Mais l'Inde est déjà l'un des dix plus gros marchés en volume de Coca-Cola et le pays est jugé "stratégique" aux yeux de ses dirigeants. Le groupe y emploie plus de 25 000 personnes directement.
Les boissons sans alcool prêtes à boire présentent "un potentiel de croissance énorme" en Inde, a relevé le groupe. Au cours de 17 des 23 derniers trimestres, ses marques ont enregistré une croissance "à deux chiffres" de leurs ventes, a-t-il fait remarquer.
La récente dégradation de la note de l’Inde par l’agence de notation Standard and Poor’s et la chute vertigineuse de la roupie face au dollar devrait en faire une bonne nouvelle pour l’économie indienne. En principe. Or, il  ne s’agit pas que d’économie.
Eau versus Coca-cola
Cette annonce a eu une résonnance toute particulière en Inde où Coca-Cola est fortement contesté, en raison de sa trop grande consommation d’eau. Ses implantations dans le Rajasthan, zone semi-aride et  l’une des plus sèches du pays, sont remises en cause par les ONG environnementales et les habitants autour. Or Coca-Cola, qui se définit elle-même comme « hydration company », a besoin de 3,26 litres d’eau pour produire 1 litre de soda (2,26 l en moyenne dans le monde soit 294,5 milliards de litres d’eau utilisés en 2010. Voir l'eau de Coca-cola).  En Inde pourtant, « près de 20% de la population n’a pas accès régulièrement à l’eau potable et 80% de la population rurale s’approvisionne en eau potable via des réserves souterraines », selon la dernière étude de WaterAid.
Alors que l’eau se fait de plus en plus rare dans le sous-continent, la consommation de sodas augmente d’environ 20% chaque année. Ils sont produits localement par les grandes multinationales du secteur, Coca-Cola en tête avec 57 usines réparties dans le pays. Mais depuis leur implantation et surtout depuis 2002, ONG et citoyens se sont regroupés pour protester contre l’accaparement des ressources en eau potable par Coca-cola.
"En raison de leurs procédés de fabrication, ces boissons gazeuses présentent des risques. D’abord, parce que le pompage des nappes pratiqué par leurs usines dépouille les pauvres du droit à se fournir en eau potable. Ensuite, parce que ces usines rejettent des déchets toxiques qui menacent l’environnement et la santé (…)» écrit Vandana Shiva dans un article du Monde diplomatique en 2005.

Sur son site internet, Coca-cola Inde annonce une réduction de 25% l’utilisation d’eau potable dans la fabrication de ses boissons entre 2004 et 2009, déclare recycler les eaux polluées et que le potentiel de leur système de récupération d’eau de pluie peut se  substituer à hauteur de 93% à l’eau issue des nappes phréatiques.
Eau virtuelle et empreinte écologique
Dans son premier rapport numérique publié au début de cette année, Coca-cola annonce des mesures drastiques pour réduire l’utilisation faite en eau dans la production de ses boissons. Le rapport avance que de « solides progrès » ont été réalisés pour atteindre des taux d’efficacité hydriques meilleurs en comparaison avec 2004. Coca-cola espère donc devenir « water neutral » en 2020. En mars 2009 déjà, lors d’un sommet de la Confédération de l’industrie Indienne, le directeur qualité et environnement indien de Coca, Navneet Mehta, affirmait que l’objectif du groupe était de reconstituer les eaux souterraines utilisées par l’entreprise dans le pays à la fin 2009 et de devenir « neutre en eau », autant pour les produits que pour les processus, en 2012. « Remplacer chaque goutte d’eau utilisée dans nos boissons et dans leur production », c’est le but que s’est fixé la firme dès 2007 pour l’ensemble du monde.
Or, comme l’explique Will Sarni sur le blog du Harvard Business Review, le concept « neutre en eau » est non seulement impossible à atteindre mais ce greenwashing peut porter préjudice à la marque. Sarni montre comment le processus de compensation carbone ne peut s’appliquer à l’eau : « Pourquoi ? Parce que derrière ce cadre de compensation hydrique, la production peut prélever de l’eau dans un bassin et en reconstituer un autre. Or, ce ne peut vraisemblablement pas être neutre pour le bassin exploité, d’autant plus au regard de la population qui vit autour de ce bassin (…) Si une entreprise prétend être « neutre en eau », les consommateurs s’attendent à voir le gallon d’eau prélevée rendue à la source dont il provient. Or, c’est très peu probable. »
Dans le camp associatif, les annonces de Coca Cola sont de vaines paroles. Un livre blanc de 2007 sur le concept de « neutralité en eau », auquel ont pris part Coca-Cola, le WWF et le World Business Council on Sustainable Developpement notamment, a montré de réelles limites sémantiques. Alors que Coca-Cola affirme qu'elle aura reconstitué les eaux souterraines utilisées par la compagnie en Inde à la fin de l'année et qu'elle sera globalement « neutre en eau » en 2012 dans le pays, l'India Resource Center (IRC) parle d' « escroquerie ».
« Il est impossible pour Coca-Cola de tenir cet engagement et ses documents même le prouvent. Il s’agit d’une opération de communication », s’indigne Amit Srivastava, le coordinateur de l'IRC. Basée à San Francisco, l’organisation est aujourd’hui presque exclusivement centrée sur le cas Coca. Depuis le retour de l’entreprise sur le sol indien il y a 16 ans, les deux camps se livrent donc une farouche bataille à coups de jugements, d’études et d’informations interposées. Mais c’est depuis le début des années 2000 que les choses se sont accélérées, avec l’ouverture de l’usine de Plachimada.

La lutte de Plachimada
Plachimada est un petit hameau du district de Palakkad, plus connu comme “le bol de riz du Kerala”. La population est en majeure partie constituée d’adivasis (indigènes) et l’occupation principale reste l’agriculture. Environ 80% des villageois réalisent des travaux agricoles, les 20% restants réalisant des travaux divers.
En 1998, HCCBPL (Hindustan Coca Cola Beverages Private Limited) a acheté 34.4 acres de terrain (en majeure partie des rizières) pour installer une unité d’embouteillage à Plachimada. Le 25 janvier 2000, le Panchayat de Perumatty (une instance locale de pouvoir qui gouverne la circonscription dont fait partie Plachimada, sorte de conseil de village) a donné son accord pour le début des travaux de construction, qui ont commencé en mars 2000. Le comité de contrôle de la pollution de l’État du Kérala (Kerala State Pollution Control Board, KSPCB) a fourni à la société un permis qui lui permettait de produire 561.000 litres de boisson par jour, 3.8 litres d’eau étant nécessaire alors pour produire un litre de boisson. L’eau provient principalement des nappes phréatiques via six puits forés et de deux étangs ouverts. Environ 2 millions de litres d’eau sont extraits chaque jour.
Dans les six mois qui ont suivi le début des opérations de l’usine, les villageois constatent une réelle dégradation de la qualité de l’eau, devenue impropre à la consommation. Peu après, plusieurs habitant se plaignent de maux d’estomac tandis que les agriculteurs déplorent la vitesse inhabituelle à laquelle les puits se vident et la diminution des récoltes. Corpwatch India, un groupe d’intérêt public, découvrent des niveaux élevés de calcium et de magnésium dans l’eau, en raison de son extraction excessive.
De nombreuses manifestations et des mouvements de sit-in s’organisent autour du Coca Cola Virudha Janakeeya Samara Samithy (Comité de lutte populaire contre Coca-Cola) et se multiplient durant toute l’année 2002, portés par les femmes adivasi et C.K.Janu, fervante militante pour  les droits des populations indigènes. Les heurts avec les forces de l’ordre et les arrestations ne viennent pas à bout du siège installé en continu à l’extérieur de l’usine à partir du 4 août 2002 et qui prend de l’ampleur en 2003, alors que des rapports accablent la branche indienne de Coca-cola.
Le 25 juillet 2003, le programme de radio « Face the Facts » (Regardez la vérité en face) diffusé sur la BBC 4 alerte la population de la présence d’agents cancérigènes dans les déchets déposés par l’usine. Ces déchets avaient été déversés sur les terres voisines sous prétexte de fournir un fertilisant aux agriculteurs. Le 5 août 2003, le Centre pour la Science et l’Environnement (CSE), basé à Delhi, publiait un rapport listant 12 boissons non alcoolisées démontrant des taux de pesticides 30 fois supérieurs aux normes européennes dans les bouteilles de Coca et Pepsi, entraînant le retrait immédiat des sodas dans les écoles, hôpitaux voire les administrations de cinq états fédérés. L’état du Kerala interdit même la production et la vente sur tout son territoire. Interdiction levée quelques années plus tard.

Bataille judiciaire

A partir d’avril 2003, le Panchayat (conseil local) de Perumatty ne renouvelle pas la licence d’HCCBPL. Le secrétaire général du Panchayat annule la licence pour les raisons suivantes : « exploitation excessive des nappes phréatiques par la société, problèmes environnementaux liés à la présence de substances toxiques et dangereuses dans les déchets produits par l’entreprise et pénurie d’eau potable ». Mais la société n’aura de cesse de multiplier les recours auprès des autorités locales et de la Haute Cour du Kerala et obtient systématiquement une nouvelle licence.
Le 23 janvier 2004, en plein déroulement de ces batailles judiciaires, une conférence mondiale de l’eau fut organisée à Pudussery, non loin de Plachimada. La déclaration dePlachimada fut adoptée le troisième jour de la conférence et revendiquait des points importants : “Il est de notre devoir fondamental de prévenir la pénurie et la pollution de l’eau ainsi que de la préserver pour les générations à venir. […] L’eau n’est pas une marchandise. Nous devons résister à toute tentative de marchandage, privatisation ou semi-privatisation de l’eau. C’est seulement de cette façon que nous pourrons assurer le droit fondamental et inaliénable de l’accès à l’eau pour tous les habitants de cette planète”.
Le 21 février 2004, l’état de sécheresse sur le district de Palakkad est déclaré et le gouvernement ordonne immédiatement la restriction de l’utilisation de l’eau par l’entreprise. Le 9 mars 2004, l’entreprise stoppe son activité. Le 15 janvier 2005, millième jour de siège, les manifestants veulent interdire la reprise de l’activité.
Jusqu’au 19 aout 2005, la Haute Cour du Kerala et le Panchayat vont alors s’opposer sur l’accord de la licence, opposant rapports, expertises et chiffres différents. La Haute Cour statue la plupart du temps en faveur de l’entreprise, lui demandant seulement de réduire sa consommation d’eau.
En juin 2005, Coca-cola remet les machines en marche mais pour quelques semaines seulement. Le 19 août 2005, le KSPCB rejette la demande en cours depuis le 20 septembre 2004 : « le comité a examiné la boue générée par l’entreprise et il s’avère qu’elle contient 200 à 300 mg de cadmium par kilo de boue, ce qui est 400 à 600% supérieur à la limite autorisée ». Le KSPCB ordonne à l’entreprise de stopper immédiatement sa production.
En novembre 2005, la Haute Cour statue de nouveau en faveur de Coca et ordonne la délivrance d’une licence Mais de nouvelles règles établies par la loi sur les nappes phréatiques du Kerala (contrôle et règlementation) viennent d’entrer en vigueur et, le 19 novembre 2005, le département des ressources en eau classe Plachimada dans la catégorie « surexploitée », empêchant toute extraction supplémentaire à des fins commerciales. Depuis, l’usine est à l’arrêt.
Indemnisations et investissements
Le 30 juin 2010, une agence juridique spéciale devant « évaluer la juste indemnisation due à chaque requérant et donner des directives à l’entreprise pour qu’elle s’y conforme » est créée par le premier ministre du Kérala, V.S. Achuthanandan. Le 16 février 2011, le cabinet d’état approuve l’ébauche d’un projet de loi, adopté peu après par l’assemblée législative : un tribunal est mis en place et doit assurer l’indemnisation et les réparations pour les dommages environnementaux causés par l’entreprise à Plachimada. La loi a été établie sur la base des recommandations d’un comité de haut niveau mis en place pour étudier le problème et qui avait estimé la perte subie par les habitants de Plachimada à 21,6millions de roupies (310 000euros), en raison de la pollution et de la pénurie d’eau causée par l’activité de l’usine.
De son côté, la multinationale américaine réfute les accusations et a pris plusieurs mesures afin de redorer son image. D’abord par la mise en ligne du site «Coke facts: the truth about the Coca-Cola company around the world ». En 2007, elle met en place un fonds de 10 millions de dollars exclusivement dédié à la gestion de l’eau en Inde en partenariat avec la WWF. Plus récemment, ce sont 3,5 millions de dollars qui ont été injectés dans des projets pour l’accès à l’eau potable en Afrique, en partenariat avec le United States Water Partnership.
Coca-Cola s’appuie sur des tests pour prouver qu’elle n’est pas responsable de la baisse du niveau d’eau en Inde, réduit la quantité d’eau nécessaire à la production de sa boisson (-16% entre 2004 et 2009), et lance des produits à bas prix destinés à la population rurale. Le dernier rapport de développement durable de Coca-Cola se veut rassurant et plein de bonne volonté. Les progrès environnementaux que Coca-Cola met en avant sont insuffisants pour les ONG et les militants qui dénoncent dans d’autres régions du sous-continent et notamment dans le Rajasthan, des situations identiques à Plachimada. 

Des tensions dans le Rajasthan

Dans un article du Monde du 5 mars 2011, Julien Bouisson revient sur les tensions croissantes liées à l'utilisation de l'eau dans la région du Rajasthan. Une étude financée par Coca, et réalisée par le TERI (The Energy and Resources Institute) indique que l'usine de Kaladera est un facteur direct de "la détérioration de la situation de l'eau, et des tensions avec les communautés avoisinantes". Lorsque les températures en plein été peuvent atteindre 50°C, la tension entre l'entreprise et les agriculteurs est à son comble. Coca-Cola doit augmenter sa production pour répondre à la demande et les agriculteurs ont besoin d'arroser leurs champs.

Les manifestations se multipliant, la police a interdit aux opposants de l'usine de s'en approcher dans un rayon de deux kilomètres. "L'eau est un bien commun et les agriculteurs perçoivent mal le fait qu'une usine s'approprie autant d'eau surtout en période de sécheresse", regrette Amit Srivastava


L'absence de cadre juridique clair, dans certains Etats, alimente les tensions. Alors que la législation en matière d'exploitation des nappes phréatiques dépend des Etats, seuls 9 sur 28 ont voté une loi, récemment. " Il est parfois difficile de remettre en cause des accords signés il y a dix ans quand la loi sur les nappes phréatiques n'était pas encore en application pas ou quand les préoccupations sur l'eau n'existaient pas ", souligne Sujit Koonan, chercheur à l'université Jawaharlal Nehru de Delhi.

L'institut TERI dirigé par Rajendra Pachauri, également président du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) ne voit pas vraiment comment la situation pourrait s'améliorer et recommande la fermeture de l'usine ou sa délocalisation. Coca-Cola persévère et tient pour preuve de bonne volonté, la mise en place de systèmes de récupération d'eau de pluie qui peuvent "potentiellement" alimenter les nappes


Or, les précipitations dans cette région proche du désert du Thar, sont faibles et irrégulières et TERI a réfuté une telle solution. "Les chiffres fournis par le bureau de l'eau de l'Etat du Rajasthan sont éloquents : au niveau du district, les nappes phréatiques ont reculé de trois mètres dans la décennie qui a précédé l'ouverture de l'usine, et de 22 mètres, au cours de la décennie suivante. "


Des tensions qui, au vu des investissements annoncés, ne vont certainement pas décroître. 

Cheers! 



Source: AFP/LeMonde/India Resource Center/Novethic/Harvard Business Review