Friday, June 29, 2012

Lecture du week-end


La bible des questions de marchandisation de l'eau et du droit à l'eau se trouve ICI (en français).

Maude Barlow est la présidente nationale du Conseil des Canadiens, le plus grand groupe de défense d’intérêts publics au Canada comptant des membres et des sections à travers le Canada; elle a également fondé le Blue Planet Project, qui travaille pour stopper la réification de l’eau du monde.


Elle est aussi une directrice de l’International Forum on Globalization, un établissement de recherche et d’éducation de San Francisco opposé à la mondialisation de l’économie. Récipiendaire de nombreux prix d’éducation. Maude Barlow a également reçu quatre doctorats honoraires de six universités canadiennes
pour son travail en matière de justice sociale. Elle est l’auteur à succès ou co-auteur de quatorze livres. Ses publications les plus récentes sont L'Or Bleu : la crise de l'eau dans le monde et la transformation de l'eau en marchandise (avec Tony Clarke), sorti dans 40 pays.


« La situation est on ne peut plus claire: la planète est sur le point de manquer d'eau douce. Mais cette ressource vitale ne doit pas devenir une marchandise qu'on vend au plus offrant. L'eau douce appartient à la Terre ainsi qu'à tous les êtres vivants. Personne n'a le droit de s'approprier cette richesse pour en tirer profit. Mondialement de simples citoyens se sont mobilisés. Refusant la transformation de l'eau en marchandise, ces citoyens et citoyennes s'emploient à reprendre le contrôle de ce patrimoine commun, devenant ainsi les « gardiens » des réseaux qui alimentent notre milieu de vie. » 


« Sous le modèle actuel de mondialisation, tout est à vendre. Les zones autrefois considérées comme notre patrimoine commun sont marchandisées, commercialisées et privatisées à un rythme alarmant. Aujourd'hui, plus que jamais, les cibles de cette agression comprennent les blocs constitutifs de la vie comme nous la connaissons sur cette planète, notamment l'eau douce, le génome humain, les semences et variétés de plantes, l'air et l'atmosphère, les océans et l'espace extra-atmosphérique. La défense de ces richesses communes est l'une des grandes luttes idéologiques et sociales de notre temps. »
— Maude Barlow, Discours d'acceptation du prix Nobel alternatif 9 décembre 2005




Thursday, June 28, 2012

Coca-cola en Inde: "l'eau côté coca-cola"





Le groupe américain Coca-Cola et ses embouteilleurs locaux ont annoncé mardi qu'ils comptaient investir 5 milliards de dollars en Inde d'ici 2020, soit 3 milliards de plus que prévu initialement, pour développer leur présence dans les boissons sans alcool. L'accroissement des investissements du groupe doit lui permettre de doubler ses ventes dans ce pays d'ici la fin de la décennie, a expliqué son PDG Muhtar Kent, cité dans un communiqué diffusé par l'entreprise.
Coca-Cola a longtemps été banni d'Inde et son retour dans le pays en 1993 avait symbolisé aux yeux des investisseurs l'ouverture à l'international d'une économie longtemps corsetée dans un nationalisme rigide.
« Un potentiel de croissance énorme »
L'investissement annoncé mardi est considérable aux sommes investies par le groupe au cours des 19 dernières années qui ne dépassent pas 2 milliards. Mais l'Inde est déjà l'un des dix plus gros marchés en volume de Coca-Cola et le pays est jugé "stratégique" aux yeux de ses dirigeants. Le groupe y emploie plus de 25 000 personnes directement.
Les boissons sans alcool prêtes à boire présentent "un potentiel de croissance énorme" en Inde, a relevé le groupe. Au cours de 17 des 23 derniers trimestres, ses marques ont enregistré une croissance "à deux chiffres" de leurs ventes, a-t-il fait remarquer.
La récente dégradation de la note de l’Inde par l’agence de notation Standard and Poor’s et la chute vertigineuse de la roupie face au dollar devrait en faire une bonne nouvelle pour l’économie indienne. En principe. Or, il  ne s’agit pas que d’économie.
Eau versus Coca-cola
Cette annonce a eu une résonnance toute particulière en Inde où Coca-Cola est fortement contesté, en raison de sa trop grande consommation d’eau. Ses implantations dans le Rajasthan, zone semi-aride et  l’une des plus sèches du pays, sont remises en cause par les ONG environnementales et les habitants autour. Or Coca-Cola, qui se définit elle-même comme « hydration company », a besoin de 3,26 litres d’eau pour produire 1 litre de soda (2,26 l en moyenne dans le monde soit 294,5 milliards de litres d’eau utilisés en 2010. Voir l'eau de Coca-cola).  En Inde pourtant, « près de 20% de la population n’a pas accès régulièrement à l’eau potable et 80% de la population rurale s’approvisionne en eau potable via des réserves souterraines », selon la dernière étude de WaterAid.
Alors que l’eau se fait de plus en plus rare dans le sous-continent, la consommation de sodas augmente d’environ 20% chaque année. Ils sont produits localement par les grandes multinationales du secteur, Coca-Cola en tête avec 57 usines réparties dans le pays. Mais depuis leur implantation et surtout depuis 2002, ONG et citoyens se sont regroupés pour protester contre l’accaparement des ressources en eau potable par Coca-cola.
"En raison de leurs procédés de fabrication, ces boissons gazeuses présentent des risques. D’abord, parce que le pompage des nappes pratiqué par leurs usines dépouille les pauvres du droit à se fournir en eau potable. Ensuite, parce que ces usines rejettent des déchets toxiques qui menacent l’environnement et la santé (…)» écrit Vandana Shiva dans un article du Monde diplomatique en 2005.

Sur son site internet, Coca-cola Inde annonce une réduction de 25% l’utilisation d’eau potable dans la fabrication de ses boissons entre 2004 et 2009, déclare recycler les eaux polluées et que le potentiel de leur système de récupération d’eau de pluie peut se  substituer à hauteur de 93% à l’eau issue des nappes phréatiques.
Eau virtuelle et empreinte écologique
Dans son premier rapport numérique publié au début de cette année, Coca-cola annonce des mesures drastiques pour réduire l’utilisation faite en eau dans la production de ses boissons. Le rapport avance que de « solides progrès » ont été réalisés pour atteindre des taux d’efficacité hydriques meilleurs en comparaison avec 2004. Coca-cola espère donc devenir « water neutral » en 2020. En mars 2009 déjà, lors d’un sommet de la Confédération de l’industrie Indienne, le directeur qualité et environnement indien de Coca, Navneet Mehta, affirmait que l’objectif du groupe était de reconstituer les eaux souterraines utilisées par l’entreprise dans le pays à la fin 2009 et de devenir « neutre en eau », autant pour les produits que pour les processus, en 2012. « Remplacer chaque goutte d’eau utilisée dans nos boissons et dans leur production », c’est le but que s’est fixé la firme dès 2007 pour l’ensemble du monde.
Or, comme l’explique Will Sarni sur le blog du Harvard Business Review, le concept « neutre en eau » est non seulement impossible à atteindre mais ce greenwashing peut porter préjudice à la marque. Sarni montre comment le processus de compensation carbone ne peut s’appliquer à l’eau : « Pourquoi ? Parce que derrière ce cadre de compensation hydrique, la production peut prélever de l’eau dans un bassin et en reconstituer un autre. Or, ce ne peut vraisemblablement pas être neutre pour le bassin exploité, d’autant plus au regard de la population qui vit autour de ce bassin (…) Si une entreprise prétend être « neutre en eau », les consommateurs s’attendent à voir le gallon d’eau prélevée rendue à la source dont il provient. Or, c’est très peu probable. »
Dans le camp associatif, les annonces de Coca Cola sont de vaines paroles. Un livre blanc de 2007 sur le concept de « neutralité en eau », auquel ont pris part Coca-Cola, le WWF et le World Business Council on Sustainable Developpement notamment, a montré de réelles limites sémantiques. Alors que Coca-Cola affirme qu'elle aura reconstitué les eaux souterraines utilisées par la compagnie en Inde à la fin de l'année et qu'elle sera globalement « neutre en eau » en 2012 dans le pays, l'India Resource Center (IRC) parle d' « escroquerie ».
« Il est impossible pour Coca-Cola de tenir cet engagement et ses documents même le prouvent. Il s’agit d’une opération de communication », s’indigne Amit Srivastava, le coordinateur de l'IRC. Basée à San Francisco, l’organisation est aujourd’hui presque exclusivement centrée sur le cas Coca. Depuis le retour de l’entreprise sur le sol indien il y a 16 ans, les deux camps se livrent donc une farouche bataille à coups de jugements, d’études et d’informations interposées. Mais c’est depuis le début des années 2000 que les choses se sont accélérées, avec l’ouverture de l’usine de Plachimada.

La lutte de Plachimada
Plachimada est un petit hameau du district de Palakkad, plus connu comme “le bol de riz du Kerala”. La population est en majeure partie constituée d’adivasis (indigènes) et l’occupation principale reste l’agriculture. Environ 80% des villageois réalisent des travaux agricoles, les 20% restants réalisant des travaux divers.
En 1998, HCCBPL (Hindustan Coca Cola Beverages Private Limited) a acheté 34.4 acres de terrain (en majeure partie des rizières) pour installer une unité d’embouteillage à Plachimada. Le 25 janvier 2000, le Panchayat de Perumatty (une instance locale de pouvoir qui gouverne la circonscription dont fait partie Plachimada, sorte de conseil de village) a donné son accord pour le début des travaux de construction, qui ont commencé en mars 2000. Le comité de contrôle de la pollution de l’État du Kérala (Kerala State Pollution Control Board, KSPCB) a fourni à la société un permis qui lui permettait de produire 561.000 litres de boisson par jour, 3.8 litres d’eau étant nécessaire alors pour produire un litre de boisson. L’eau provient principalement des nappes phréatiques via six puits forés et de deux étangs ouverts. Environ 2 millions de litres d’eau sont extraits chaque jour.
Dans les six mois qui ont suivi le début des opérations de l’usine, les villageois constatent une réelle dégradation de la qualité de l’eau, devenue impropre à la consommation. Peu après, plusieurs habitant se plaignent de maux d’estomac tandis que les agriculteurs déplorent la vitesse inhabituelle à laquelle les puits se vident et la diminution des récoltes. Corpwatch India, un groupe d’intérêt public, découvrent des niveaux élevés de calcium et de magnésium dans l’eau, en raison de son extraction excessive.
De nombreuses manifestations et des mouvements de sit-in s’organisent autour du Coca Cola Virudha Janakeeya Samara Samithy (Comité de lutte populaire contre Coca-Cola) et se multiplient durant toute l’année 2002, portés par les femmes adivasi et C.K.Janu, fervante militante pour  les droits des populations indigènes. Les heurts avec les forces de l’ordre et les arrestations ne viennent pas à bout du siège installé en continu à l’extérieur de l’usine à partir du 4 août 2002 et qui prend de l’ampleur en 2003, alors que des rapports accablent la branche indienne de Coca-cola.
Le 25 juillet 2003, le programme de radio « Face the Facts » (Regardez la vérité en face) diffusé sur la BBC 4 alerte la population de la présence d’agents cancérigènes dans les déchets déposés par l’usine. Ces déchets avaient été déversés sur les terres voisines sous prétexte de fournir un fertilisant aux agriculteurs. Le 5 août 2003, le Centre pour la Science et l’Environnement (CSE), basé à Delhi, publiait un rapport listant 12 boissons non alcoolisées démontrant des taux de pesticides 30 fois supérieurs aux normes européennes dans les bouteilles de Coca et Pepsi, entraînant le retrait immédiat des sodas dans les écoles, hôpitaux voire les administrations de cinq états fédérés. L’état du Kerala interdit même la production et la vente sur tout son territoire. Interdiction levée quelques années plus tard.

Bataille judiciaire

A partir d’avril 2003, le Panchayat (conseil local) de Perumatty ne renouvelle pas la licence d’HCCBPL. Le secrétaire général du Panchayat annule la licence pour les raisons suivantes : « exploitation excessive des nappes phréatiques par la société, problèmes environnementaux liés à la présence de substances toxiques et dangereuses dans les déchets produits par l’entreprise et pénurie d’eau potable ». Mais la société n’aura de cesse de multiplier les recours auprès des autorités locales et de la Haute Cour du Kerala et obtient systématiquement une nouvelle licence.
Le 23 janvier 2004, en plein déroulement de ces batailles judiciaires, une conférence mondiale de l’eau fut organisée à Pudussery, non loin de Plachimada. La déclaration dePlachimada fut adoptée le troisième jour de la conférence et revendiquait des points importants : “Il est de notre devoir fondamental de prévenir la pénurie et la pollution de l’eau ainsi que de la préserver pour les générations à venir. […] L’eau n’est pas une marchandise. Nous devons résister à toute tentative de marchandage, privatisation ou semi-privatisation de l’eau. C’est seulement de cette façon que nous pourrons assurer le droit fondamental et inaliénable de l’accès à l’eau pour tous les habitants de cette planète”.
Le 21 février 2004, l’état de sécheresse sur le district de Palakkad est déclaré et le gouvernement ordonne immédiatement la restriction de l’utilisation de l’eau par l’entreprise. Le 9 mars 2004, l’entreprise stoppe son activité. Le 15 janvier 2005, millième jour de siège, les manifestants veulent interdire la reprise de l’activité.
Jusqu’au 19 aout 2005, la Haute Cour du Kerala et le Panchayat vont alors s’opposer sur l’accord de la licence, opposant rapports, expertises et chiffres différents. La Haute Cour statue la plupart du temps en faveur de l’entreprise, lui demandant seulement de réduire sa consommation d’eau.
En juin 2005, Coca-cola remet les machines en marche mais pour quelques semaines seulement. Le 19 août 2005, le KSPCB rejette la demande en cours depuis le 20 septembre 2004 : « le comité a examiné la boue générée par l’entreprise et il s’avère qu’elle contient 200 à 300 mg de cadmium par kilo de boue, ce qui est 400 à 600% supérieur à la limite autorisée ». Le KSPCB ordonne à l’entreprise de stopper immédiatement sa production.
En novembre 2005, la Haute Cour statue de nouveau en faveur de Coca et ordonne la délivrance d’une licence Mais de nouvelles règles établies par la loi sur les nappes phréatiques du Kerala (contrôle et règlementation) viennent d’entrer en vigueur et, le 19 novembre 2005, le département des ressources en eau classe Plachimada dans la catégorie « surexploitée », empêchant toute extraction supplémentaire à des fins commerciales. Depuis, l’usine est à l’arrêt.
Indemnisations et investissements
Le 30 juin 2010, une agence juridique spéciale devant « évaluer la juste indemnisation due à chaque requérant et donner des directives à l’entreprise pour qu’elle s’y conforme » est créée par le premier ministre du Kérala, V.S. Achuthanandan. Le 16 février 2011, le cabinet d’état approuve l’ébauche d’un projet de loi, adopté peu après par l’assemblée législative : un tribunal est mis en place et doit assurer l’indemnisation et les réparations pour les dommages environnementaux causés par l’entreprise à Plachimada. La loi a été établie sur la base des recommandations d’un comité de haut niveau mis en place pour étudier le problème et qui avait estimé la perte subie par les habitants de Plachimada à 21,6millions de roupies (310 000euros), en raison de la pollution et de la pénurie d’eau causée par l’activité de l’usine.
De son côté, la multinationale américaine réfute les accusations et a pris plusieurs mesures afin de redorer son image. D’abord par la mise en ligne du site «Coke facts: the truth about the Coca-Cola company around the world ». En 2007, elle met en place un fonds de 10 millions de dollars exclusivement dédié à la gestion de l’eau en Inde en partenariat avec la WWF. Plus récemment, ce sont 3,5 millions de dollars qui ont été injectés dans des projets pour l’accès à l’eau potable en Afrique, en partenariat avec le United States Water Partnership.
Coca-Cola s’appuie sur des tests pour prouver qu’elle n’est pas responsable de la baisse du niveau d’eau en Inde, réduit la quantité d’eau nécessaire à la production de sa boisson (-16% entre 2004 et 2009), et lance des produits à bas prix destinés à la population rurale. Le dernier rapport de développement durable de Coca-Cola se veut rassurant et plein de bonne volonté. Les progrès environnementaux que Coca-Cola met en avant sont insuffisants pour les ONG et les militants qui dénoncent dans d’autres régions du sous-continent et notamment dans le Rajasthan, des situations identiques à Plachimada. 

Des tensions dans le Rajasthan

Dans un article du Monde du 5 mars 2011, Julien Bouisson revient sur les tensions croissantes liées à l'utilisation de l'eau dans la région du Rajasthan. Une étude financée par Coca, et réalisée par le TERI (The Energy and Resources Institute) indique que l'usine de Kaladera est un facteur direct de "la détérioration de la situation de l'eau, et des tensions avec les communautés avoisinantes". Lorsque les températures en plein été peuvent atteindre 50°C, la tension entre l'entreprise et les agriculteurs est à son comble. Coca-Cola doit augmenter sa production pour répondre à la demande et les agriculteurs ont besoin d'arroser leurs champs.

Les manifestations se multipliant, la police a interdit aux opposants de l'usine de s'en approcher dans un rayon de deux kilomètres. "L'eau est un bien commun et les agriculteurs perçoivent mal le fait qu'une usine s'approprie autant d'eau surtout en période de sécheresse", regrette Amit Srivastava


L'absence de cadre juridique clair, dans certains Etats, alimente les tensions. Alors que la législation en matière d'exploitation des nappes phréatiques dépend des Etats, seuls 9 sur 28 ont voté une loi, récemment. " Il est parfois difficile de remettre en cause des accords signés il y a dix ans quand la loi sur les nappes phréatiques n'était pas encore en application pas ou quand les préoccupations sur l'eau n'existaient pas ", souligne Sujit Koonan, chercheur à l'université Jawaharlal Nehru de Delhi.

L'institut TERI dirigé par Rajendra Pachauri, également président du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) ne voit pas vraiment comment la situation pourrait s'améliorer et recommande la fermeture de l'usine ou sa délocalisation. Coca-Cola persévère et tient pour preuve de bonne volonté, la mise en place de systèmes de récupération d'eau de pluie qui peuvent "potentiellement" alimenter les nappes


Or, les précipitations dans cette région proche du désert du Thar, sont faibles et irrégulières et TERI a réfuté une telle solution. "Les chiffres fournis par le bureau de l'eau de l'Etat du Rajasthan sont éloquents : au niveau du district, les nappes phréatiques ont reculé de trois mètres dans la décennie qui a précédé l'ouverture de l'usine, et de 22 mètres, au cours de la décennie suivante. "


Des tensions qui, au vu des investissements annoncés, ne vont certainement pas décroître. 

Cheers! 



Source: AFP/LeMonde/India Resource Center/Novethic/Harvard Business Review


Monday, June 25, 2012

Des tarifs progressifs pour l'eau en Chine



Le gouvernement chinois vient de publier un plan de conservation de l'eau, introduisant prochainement un mécanisme de tarification progressive pour la consommation d'eau avant 2015.


Similaire à un impôt progressif, le tarif de l'eau augmentera donc de façon exponentielle suivant la consommation d'eauCette réforme intervient dans le contexte du 12e plan quinquennal, adopté en octobre 2010. Cinq domaines avaient été identifiés comme prioritaires pour la réforme de la gouvernance de la Chine entre 2011 et 2015édifier un gouvernement de droit, édifier un gouvernement responsable, édifier un gouvernement qui fournisse des services publics de qualité, édifier un gouvernement transparent et édifier un gouvernement intègre.

La Chine adoptera également un tarif élevé de l'eau pour les industries grandes consommatrices d'eau, tout en encourageant la réutilisation de l'eau recyclée, indique le plan publié jeudi par la Commission nationale du développement et de la réforme (CNDR), le planificateur économique du pays, et deux autres ministères. 

Pour les résidents ruraux, le pays trouvera des moyens afin de faire un rabais pour ceux dont la consommation d'eau reste inférieure aux quotas fixés alors que le tarif progressif sera imposé si leur consommation d'eau dépasse les quotas, explique le plan, qui a été élaboré pour la période 2011-2015.

Cette réforme de tarification fait partie des efforts du gouvernement pour que les prix des ressources et des énergies correspondent mieux à la demande du marché et que les ressources naturelles soient mieux protégées face à la pression grandissante sur l'approvisionnement en énergies en Chine, la deuxième économie mondiale.

La situation de l'eau en Chine est problématique depuis 20 ans comme l'explique Alexandre Taithe, Chercheur à la Fondation pour la Recherche stratégique dans L'eau, facteur d'instabilité en Chine - Perspective pour 2015 et 2030:  "Laboratoire à l’échelle continentale, la Chine réunit l’ensemble des problèmes rencontrés dans la gestion de l’eau douce à travers le monde : sécheresses et inondations (...) surexploitation des eaux souterraines et de surface, multiplication des infrastructures lourdes (grands barrages et transferts massifs d’eau), absence de gouvernance de la ressource doublée de concurrences Centre/Périphérie, et abondantes pollutions d’origine agricole, industrielle et domestique". Il insiste d'ailleurs sur la nécessité que représente la "capacité institutionnelle à dégager et imposer des solutions [comme] l’une des clefs des décennies à venir" afin d'éviter la multiplication des risques liés à l'insécurité environnementale, qui émergent notamment dans le clivage ville/campagne. 

La CNDR avait annoncé la semaine dernière que le pays mettrait en oeuvre un mécanisme de tarification progressive pour la consommation d'électricité à partir du 1er juillet.

Le plan s'engage également à maintenir le total national de la consommation annuelle en eau à moins de 635 milliards de mètres cubes d'ici 2015 et à réduire de 30% la consommation d'eau par unité de production industrielle à valeur ajoutée entre 2010 et 2015.



Pour aller plus loin:  L'eau, facteur d'instabilité en Chine - Perspective pour 2015 et 2030 Alexandre Taithe, Fondation pour la Recherche Stratégique, 2007. ICI



Thursday, June 21, 2012

Eléments clés de réflexion

Une série d'informations succinctes publiées disponibles sur le site du Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégique (CSFRS) à l'occasion de la publication en janvier 2012 du livre Eau et Conflictualités aux Editions Choiseul, reprenant les actes du séminaire du même nom organisé par le CSFRS en décembre 2010.

Plus d'informations sur le lien du CSFRS ICI



Verbatim

  • « L’absence d’eau, ou sa mauvaise qualité, tue. C’est la première cause de mortalité. Elle est dix fois, quinze fois supérieure à celle des conflits en cours ».
    Loïc Fauchon, Président du Conseil mondial de l’eau.
  • « La question qui se pose maintenant est la suivante : au-delà de cet état des lieux, au-delà de cette analyse des problématiques que nous connaissons déjà, qu’est-ce qui est au cœur des démarches à venir sur les questions stratégiques de l’eau, le seul élément totalement indispensable à la vie avec l’oxygène ? Il serait utile que nous ayons plus de perspectives, plus d’options, plus de contenus permettant à des formes de relations diplomatiques ou purement stratégiques de se développer. Bref nous souhaitons prévenir plutôt que subir, comprendre plutôt que découvrir, faire des efforts d’anticipation et de décèlement, c’est l’initiative, le souhait, l’ambition qui est la nôtre ».
    Alain Bauer, président du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques.
  • « La façon dont on partage ou ne partage pas cette ressource stratégique peut s’avérer source de tensions politiques en pays riverains (…). Faut-il pour autant conclure que, sous les coups de boutoir des changements climatiques et des besoins croissants, des guerres de l’eau vont éclater ? Il est peu probable que ceux-ci débouchent sur de véritables conflits armés. En revanche, ils attiseront les tensions interétatiques préexistantes sur les ressources en eau et en susciteront de nouvelles ». (…) A vrai dire, dans l’histoire des hommes, la gestion de l’eau a engendré davantage de coopération que de conflits. (…). Que ce soit pour se répartir la ressource ou gérer des catastrophes naturelles comme les sécheresses ou les inondations, l’eau contraint les États à renforcer leur coopération. La notion d’« hydrosolidarité » s’impose depuis quelques années dans le vocabulaire international. Elle prévaudra de plus en plus. (…) Mais la concertation ne préviendra pas tout et ne règlement pas tout. Il convient aussi de faire évoluer les comportements vers des usages plus raisonnés de l’eau. Une gestion économe s’impose à chaque nation ».
    Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia Environnement.
  • Sur les relations entre l’eau et l’énergie : « Historiquement, pour des raisons techniques, la gestion de ces deux fluides était séparée. Aujourd’hui, les secteurs de l’eau et de l’énergie sont en train d’être construits sur des politiques publiques de plus en plus liées. Entre l’eau qui se transporte mal et se stocke facilement et l’électricité pour laquelle c’est le contraire, on voit que les éléments de nature technique ont permis de revoir complètement le paradigme du lien entre l’eau et l’énergie, sachant qu’il faut beaucoup d’eau pour produire n’importe quel type d’énergie et pas seulement l’hydroélectricité, et que la consommation énergétique pour les responsables des services d’eau, est le deuxième poste de dépenses, après les salaires ».
    Pierre Victoria, Directeur adjoint du développement durable, Veolia Environnement, délégué général du Cercle français de l’eau.

Quelques chiffres

  • 900 millions d'habitants ne disposent pas d'accès à l'eau potable à proximité ;
  • Plus de 3 milliards d'habitants n'ont pas d'eau au robinet à domicile ;
  • 2,6 milliards de personnes n'ont pas accès à un assainissement de base ;
  • L’eau agricole représente 70% de l’utilisation des ressources mondiales en eau douce, 20% pour l’eau à vocation industrielle et 10% pour les consommations domestiques. Sur certaines zones évoquées dans le cadre de ce séminaire, dont le Proche-Orient, on est d’ailleurs plus près de 90% que de 70% pour l’eau agricole.
  • Deux tiers des grands fleuves sont communs à plusieurs pays. Il existe 270 bassins fluviaux transfrontaliers. Le Nil, le plus long, traverse dix pays ; le Mékong, six pays.
  • Outre les questions posées par les relations entre pays se partageant les rives, cette situation donne l’avantage aux États situés en amont. 15% des pays dépendent à plus de 50% des ressources en eau situées en dehors de leur territoire.
  • On dénombre 200 traités interétatiques relatifs à l’eau contre 37 conflits survenus ces cinquante dernières années, pour la plupart mineurs.

Principales dates

  • 1977 : Conférence de Mar del Plata. Première concertation internationale sur les conditions d’accès à l’eau par la population de la planète. A la « doctrine Harmon remontant à 1895, selon laquelle un État a la souveraineté pleine et entière sur les eaux s’écoulant sous son sol, succède la notion de « souveraineté limitée ».
  • 1981-1990 : Décennie internationale de l’eau potable.
  • 1992 : conférence de Rio. Le chapitre 18 de l’Agenda 21 est consacré à la gestion des ressources en eau.
  • 1992 : convention-cadre de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies, qui propose une gestion globale et partagée, sous l’égide d’une instance commune de coopération, du bassin hydrographique : navigation, lutte contre la pollution, développement durable, règles de partage des bénéfices économiques. Elle a inspiré de nombreuses conventions, en Europe et ailleurs, pour la gestion internationale des fleuves.
  • 1996 : création du Conseil mondial de l’eau (qui est à l’origine du Forum mondial de l’eau).
  • 1997 : convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation (non entrée en vigueur, faute de ratifications en nombre suffisant).
  • 2000 : objectifs du Millénaire.
  • 2002 : le comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies proclame le « droit humain à l’eau, condition préalable à la réalisation des autres droits de l’homme ».
  • 28 juillet 2010 : l’Assemblée générale des Nations Unies reconnait comme un droit fondamental le droit à une eau potable salubre et propre : « le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ».

Des exemples de tensions

  • La répartition de l’eau du Jourdain constitue un enjeu géopolitique majeur entre le Liban, la Syrie, la Jordanie, Israël et la Cisjordanie.
  • Les différents entre la Turquie, l’Irak et la Syrie quant à la construction de barrages.
  • Les tensions entre L’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie sur les volumes soutirés du Nil.

Des exemples de coopération pour la gestion des fleuves transfrontaliers

  • Le Traité des eaux limitrophes (1909), le Traité du fleuve Columbia (1961), l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands lacs (1978) entre les États-Unis et le Canada.
  • La convention de la Save signée en 2002 par quatre des États issus de l’ex-Yougoslavie.
  • Commission de l’Indus, 1960, entre l’Inde et le Pakistan, avec le soutien de la Banque mondiale. Elle a survécu à trois guerres entre les deux pays.
  • Commission du Mékong (1957) avec l’aide de l’ONU. Elle a continué à fonctionner pendant la guerre du Vietnam. Cependant seuls y participent le Vietnam, le Laos, le Cambodge et la Thaïlande. La Chine et la Birmanie n’en font pas partie.
  • Le plan d’action pour le Zambèze (ZAC-Plan) en coopération avec les États riverains et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), avec le soutien du PNUE.

Revue de presse sur l’ouvrage Eau et conflictualités

    Alternatives internationales n° 054, mars 2012 : article de Franck Galland, « La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? »
  • Site de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) : vidéo interview à regarder à l’occasion de la sortie de l’ouvrage ;
  • Radio France Internationale, émission Géopolitique, 25 février 2012, « Peut-on gouverner l’eau ? », animée par Marie-France Chatin, avec Alain Boinet, fondateur et directeur de Solidarités international, Alexandre Taithe (Fondation pour la recherche stratégique), et Franck Galland ;
  • Site Diploweb.com, article de Romain de Jarnieu : « Ce que nous apprend cet ouvrage, c’est que la géographie n’est pas une fatalité, et qu’il existe des solutions permettant de sortir des logiques sécuritaires en développant des approches régionales tenant compte des impératifs de chacun » ;
  • Un article d’Alexandre Vatimbella sur le site Eco Infos Monde de l'agence de presse LesNouveauxMondes.org, « L’eau sera un enjeu majeur - sinon le majeur - du XXIe siècle »

Bibliographie

  • L’eau en commun. De ressource naturelle à chose cosmopolitique, Gabriel Blouin Genest, Frédéric Julien et Sylvie Paquerot. PUQ, 2012.
  • Gestion de l’eau. Approche territoriale et institutionnelle, sous la direction d’Alexandre Brun et Frédéric Lasserre, Collection Géographie contemporaine, PUQ, 2012.
  • Franck Galland, L’eau : géopolitique, enjeux, stratégies, CNRS Éditions, 2008 ; La Ruée vers l’eau, Sécurité globale, Choiseul Éditions, 2010, Paris.
  • Barah Michaïl, L’eau, source de menaces ? Dalloz-Iris, Paris, Revue Défense Nationale et sécurité collective, 2009, Paris.
  • Général Alain Lamballe, L’eau en Asie du sud, confrontation ou coopération ?, L’Harmattan, 2009.
  • La revue internationale et stratégique, été 2007, n°66, Dossier L’or bleu, nouvel enjeu géopolitique ?, sous la direction de Barah Mikaïl, Dalloz.
  • Alexandre Taithe, Partager l’eau. Les enjeux de demain aux Éditions Technip en 2006 ; L’eau. Un bien ? Un droit ? Tensions et opportunités, Unicomm, Paris, Revue Défense Nationale et sécurité collective, 2009, Paris. L’eau en Méditerranée : fonder une stratégie commune. Services de l’eau, climat, sécurité, en codirection avec Pierre Beckouche et Zoé Luçon (l’Harmattan, mars 2010).
  • Suzanne Dionet-Grivet, Géopolitique de l’eau, Ellipses, 2011.

Wednesday, June 20, 2012

Le droit à l'eau et à l'assainissement pour tous délaissé à Rio+20

Par Emmanuel Poilane, Directeur de France Libertés-Fondation Danielle Mitterrand.



UN/Kibae Park

Alors que les promesses étaient nombreuses, France Libertés et les acteurs de la société civile qui défendent l'eau comme Bien Commun à la conférence pour le développement durable à Rio + 20 appellent à un sursaut des Nations pour le bien commun.
Malheureusement, le seul article pour l'eau dans le texte de la déclaration finale est celui-ci : 
Article 121- nous réaffirmons nos engagements concernant le droit humain pour une eau saine et pour l'assainissement, à être progressivement réalisés pour nos populations dans le respect de la souveraineté nationale de chaque nation. Nous soulignons également notre engagement dans la Décade Internationale 2005-2015 pour l'Action "l'Eau pour la Vie".
Cette déclaration est largement insuffisante et contre productive pour l'avenir de l'Humanité.
En juillet 2010, aucune nation ne s'était positionnée contre la reconnaissance du droit à l'eau pour tous comme un droit humain fondamentale à l'assemblée générale des Nations Unies à New York, mais quelques deux années plus tard aucune avancée n'a été mise en œuvre. Rio + 20 devait être un déclencheur de ces évolutions nécessaires, il n'en est rien.
Depuis juillet 2010, les Nations n'ont pas fait le travail pour modifier leur constitution et développer cet objectif comme une vraie priorité pour le 21ème siècle. Seule la Belgique en Europe et une quarantaine de pays du sud sont passés à l'acte. Au regard de la résolution de juillet 2010, Rio + 20 aurait pu marquer l'obligation faite aux Etats d'inscrire dans leurs constitution le droit à l'eau pour tous comme un droit humain fondamental. Il n'en est rien !
Pour que notre monde ne s'enfonce pas plus loin dans la crise de confiance généralisée que nous connaissons aujourd'hui, nos Etats ne doivent pas être aveuglés par la seule crise économique et financière que traverse le modèle capitaliste globalisé mais au contraire doivent écouter ce que leur disent leurs peuples.
Nous devons prendre le temps de regarder l'avenir avec un œil nouveau, nous devons développer la capacité de l'humanité toute entière à vivre dignement, nous devons replacer les biens communs comme une sphère indispensable aux équilibres économiques, sociaux et environnementaux.
Ce n'est pas en financiarisant notre planète que nous réussirons à mieux vivre ensemble. Il faut au contraire que nous apprenions à mieux vivre ensemble pour sauver notre planète.
L'engagement que nous attendions de Rio + 20 pour l'eau était la programmation de la mise en action de la résolution des Nations Unis. C'est dans ce cadre que le sommet des peuples a fait le choix de construire un pavillon bleu afin que cet espoir des peuples soit clairement matérialisé.
Nos enfants et nos peuples comprennent cette évidence du partage de l'eau pour tous. Pourquoi nos chefs d'Etats ne sont ils pas capable d'en faire de même, pourquoi ont-ils oubliés l'évidence de l'eau comme axe central de la vie sur notre planète ?
La fuite en avant de nos modèles de sociétés de consommations doit cesser. Le temps de la pause est venu et pour qu'il soit possible, l'eau doit être repositionnée au cœur des agendas internationaux comme un objectif ultra prioritaire de survie de l'Humanité. Les pays qui manquent d'eau connaissent cette réalité mais ne sont pas écoutés sur la scène internationale, le Président du Niger, Mahamadou Issoufou, le rappelait encore lundi à Paris. La France se doit d'inscrire urgemment le droit à l'eau pour tous dans sa constitution pour montrer l'exemple. Il serait le premier pays du G8 à passer à l'acte et ainsi ouvrirait la voie. Il redorerait son statut du pays des droits de l'Homme.
Ne nous laissons pas aller à écouter les sirènes de marchés financiers qui nous étouffent. Prenons le temps de reposer ensemble les bases de la société dans laquelle nous souhaitons que nos enfants et petits enfants grandissent. A coup sûr, l'eau et sa préservation y auront une place de choix !

France Libertés et les acteurs de la société civile s'engagent à soutenir le droit à l'eau pour
tous. Vous pouvez nous rejoindre en envoyant un message mail à l'adresse suivante :info@freshwateraction.net

La nécessité pour les entreprises (textiles) de prendre en compte les enjeux liés à l’eau (d’un jean) à échelle internationale (en Chine)


photo: Qiu Bo/Greenpeace

Le jean est un élément social. Dans les pays en développement, il est souvent associé à l’occidentalisation de la société et à l’émergence d’une classe moyenne plus aisée. A Delhi par exemple, on croise autant de jeans que de saris, si ce n’est plus. Le jean, indicateur de l’enrichissement d’un pays ? Pas seulement.

Une industrie trop polluante

En 2011, Greenpeace révélait des taux de pollution élevés et la présence de cinq métaux lourds dans les eaux de deux villes de la province de Guangdong, au sud-est de la Chine: Xintang, la “capitale du monde des jeans”, et Gurao, une ville industrielle où 80% de l’économie tourne autour de la confection de sous-vêtements. Pour l’ONG, les pollutions auxquelles sont confrontées ces deux villes sont emblématiques de l’industrie textile chinoise dans son ensemble, qui doit revoir ses pratiques et sa réglementation.

Xintang,capitale du monde des jeans” et ses chiffres à plusieurs zéros : une population de 215 000 habitants, 500 000 travailleurs migrants, 4 000 entreprises et une production annuelle chiffrée à 28 milliards de yuans (3 milliards d’euros).  En 2008, elle a produit plus de 260 millions de paires de jeans - soit 60% de la production totale de la Chine et 40% des jeans vendus aux Etats-Unis chaque année. 40% de ses jeans sont exportés en Amérique, en Europe ou encore en Russie.

Or cette industrie est une des plus polluantes et gourmandes en eau. “Les procédés de teinture, lavage, blanchiment et impression sont quelques uns des plus sales de l’industrie textile, nécessitant de grands volumes d‘eau ainsi que des métaux lourds et autres produits chimiques“, explique Mariah Zhao, chargée de campagne produits toxiques pour Greenpeace.

La multiplication de méthodes de production écologiques

Une nouvelle méthode de production de jeans dévoilée ce mardi aux Etats-Unis par un ingénieur suisse permet d'utiliser jusqu'à 92% d'eau et 30% d'énergie en moins, et pourrait avoir des effets positifs sur l'environnement si elle était généralisée, selon son concepteur.

Outre les importantes économies d'eau et d'énergie, ce procédé baptisé "Advanced Denim", permet aussi de considérablement réduire (-87%) les déchets de coton qui sont souvent incinérés et ajoutent ainsi des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et autres gaz à effet de serre dans l'atmopshère.

Il faut, selon les procédés actuels, plus de 9.450 litres d'eau, près d'un demi-kilo de produits chimiques et beaucoup d'énergie pour produire une seule paire de jeans. De plus, à la différence des méthodes traditionnelles de production de toile de jeans qui nécessitent jusqu'à 15 cuves de teinture et un ensemble de substances chimiques potentiellement nocives, ce nouveau procédé n'en utilise qu'une seule. Il recourt en effet à une nouvelle génération de teinture au soufre liquide concentré et plus écologique.

 Miguel Sanchez, un ingénieur de la firme chimique Clariant, lors d'une présentation à une conférence de l'Institut de la chimie verte (qui dépend de l'American Chemical Society) explique : "Si vous multipliez par près de deux milliards de jeans produits annuellement dans le monde vous avez une bonne idée de ce que représente cette industrie, qui contribue pour une part notable à la production d'eaux usées et aux émissions de gaz à effet de serre dans l'environnement".

Si seulement 25% de toutes les toiles de jeans étaient teintes avec ce procédé, il serait possible d'économiser suffisamment d'eau pour satisfaire les besoins de 1,7 million de personnes chaque année, soit environ 9,45 milliards de litres, affirme Clariant. Cela permettrait également de ne pas rejeter 31,3 millions de m3 d'eaux usées et d'économiser 220 millions de kilowatt/heure d'électricité tout en éliminant les émissions de CO2 qui en découlent, selon la même source. 

Une nécessité stratégique pour les industries textiles «  hydrovores »

Mi mars, quelques jours après l’ouverture du Forum Mondial de l’eau à Marseille, Ernst & Young publiait les enseignements de son rapport Preparing for water scarcity, raising business awareness on water issues. Ce rapport veut sensibiliser les entreprises aux enjeux opérationnels liés à l’eau et analyse les méthodes ainsi que les outils d’évaluation et de mesure mis à la disposition des entreprises pour progresser en la matière.
Les entreprises méconnaissent les risques liés au stress hydrique, en particulier dans les pays émergents. Un rapport  publié l’an dernier par Carbon Disclosure Project « CDP Water disclosure Global Report 2011 » montre, par exemple, que sur 190 entreprises internationales interrogées, seule la moitié considère l’eau comme un risque potentiel pour leur entreprise.

« Les enjeux opérationnels liés à la rareté de l’eau peuvent être localement plus urgents et plus visibles que ceux liés au changement climatique. Ils peuvent constituer un risque au développement de l’activité économique notamment sur la chaîne de production dans les pays émergents. Les secteurs agroalimentaires, de production énergétique, minier ou encore high-tech devraient être les premiers concernés », commente Philippe Aubain, responsable des problématiques eau, au sein du département environnement et développement durable d’Ernst & Young France.

Sensibiliser les entreprises et les consommateurs aux enjeux de la rareté de l’eau

D’importantes initiatives participatives, telles que le « CEO Water Mandate », le projet de norme ISO sur l’empreinte eau ou encore le « Global Water Tool© » du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) ont été lancées ces dernières années pour sensibiliser les acteurs aux enjeux de la rareté et de la qualité de l’eau et développer des méthodologies et outils adaptés. Malgré cela, la plupart des entreprises se heurtent à la prise en compte de la dimension locale du stress hydrique ainsi qu’aux subtilités des terminologies en cours de développement.

« L’empreinte eau », une méthode innovante pour mieux mesurer les consommations d’eau

L’impact sur l’eau peut être actuellement mesuré via un indicateur environnemental appelé « empreinte eau (water footprint) », en référence à l’empreinte carbone. Cet indicateur permet de chiffrer l’utilisation directe et indirecte de l’eau d’un pays, d’une entreprise et/ou d’un produit.

« En France, dans le cadre du projet d’affichage environnemental des produits initié par la loi Grenelle II (12 juillet 2010), plus de 25 expérimentations, en particulier dans le secteur agro-alimentaire, ont déjà retenu l’empreinte eau comme l’un des indicateurs significatifs à afficher » précise Eric Mugnier, associé au sein du département Environnement et développement durable d’Ernst & Young France et chargé d’accompagner les pouvoirs publics dans la réalisation du bilan de l’expérimentation sur l’affichage.

« Les entreprises gagnent à procéder par étape en expérimentant une empreinte eau sur un périmètre pilote (installation, pays…) avant de la généraliser à l’ensemble des activités. A l’instar de l’empreinte carbone, l’empreinte eau est un outil pragmatique et prometteur, permettant indéniablement de sensibiliser les entreprises aux enjeux liés à l’eau. A terme, le sujet eau devrait influer plus notablement les modèles économiques des entreprises », conclut Philippe Aubain.

Sources:
AFP
Cdurable
Greenpeace
LeMonde