Hillary Clinton, 22 mars 2011, Journée mondiale de l'eau |
La seule véritable "guerre de l'eau" a eu lieu il y a environ 4000 ans. Mais déjà en 2010, et de nouveau cette année, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a mis en garde la scène internationale fin mars contre les risques de terrorisme, d'instabilité politique ou de conflit liés à l'eau, à mesure que la demande mondiale en eau potable va croître au cours des prochaines décennies.
"Avec l'augmentation continue de la population mondiale, la demande en eau va croître mais nos réserves ne progresseront pas au même rythme", a déclaré Mme Clinton en présentant la version déclassifiée d'un rapport du Conseil national du renseignement qu'elle-même avait commandé.
Le rapport s'appuie sur une estimation de la sécurité de l'eau réclamée par la secrétaire d'État et complété l'automne dernier. Le rapport affirme que les inondations et l'eau insuffisante ou de mauvaise qualité, combinées à la pauvreté, aux tensions sociales, à la mauvaise gouvernance et à la faiblesse des gouvernements, contribueront à l'instabilité, qui pourrait mener à la faillite de plusieurs États.
Ces éléments «vont probablement augmenter le risque d'instabilité et de faillite des États, exacerber les tensions régionales et empêcher les pays de travailler avec les États-Unis sur des objectifs importants», affirme le rapport, diffusé par le département d'État dans la cadre de la Journée mondiale de l'eau.
Mme Clinton, qui a dévoilé un nouveau programme visant à partager avec le reste du monde l'expertise américaine en matière de gestion de l'eau, a estimé que les conclusions du rapport donnaient à réfléchir.
«Ces menaces sont réelles et elles soulèvent de sérieuses questions sur la sécurité», a-t-elle dit.
Le rapport note que certains pays ont déjà tenté de résoudre des conflits liés à l'eau par la négociation, mais que cela pourrait changer quand les pénuries d'eau deviendront plus graves.
Le rapport prédit que les pays situés en amont des cours d'eau limiteront l'accès à l'eau de leurs voisins en aval pour des raisons politiques, et que les gouvernements utiliseront les réserves internes d'eau pour supprimer les mouvements séparatistes et les populations dissidentes.
Des terroristes ou des États voyous pourraient également viser ou menacer des infrastructures liées à l'eau, comme des barrages et des réservoirs, prédit le rapport.
Le rapport n'identifie pas les pays les plus à risque, mais souligne que l'étude s'est concentrée sur des bassins hydrauliques spécifiques. La zone étudiée comprend le Nil en Égypte, au Soudan et dans les pays plus au sud, le Tigre et l'Euphrate en Irak et au Moyen-Orient, le Mékong en Chine et en Asie du Sud-Est, le Jourdain qui sépare Israël des Territoires palestiniens, l'Indus et le Brahmapoutre en Inde et en Asie du Sud, ainsi que l'Amou Daria en Asie centrale.
Selon un résumé du rapport, une guerre entre deux Etats au sujet de l'eau est "peu probable" au cours des 10 prochaines années. "En revanche, nous jugeons que comme les réserves d'eau vont s'amenuiser au-delà des 10 prochaines années, l'eau que partagent deux pays va devenir de plus en plus un moyen de pression", poursuit ce résumé. En 2010, la Secrétaire d'Etat, à l’occasion de la journée mondiale de l’eau, présentait la bonne gestion de l’eau comme une affaire de « sécurité pour les hommes » et plus encore "sécurité nationale".
Selon ce document, l'Afrique du Nord, le Moyen Orient et l'Asie du Sud "auront à relever de grands défis pour répondre à leurs problèmes en termes d'eau", en raison de l'augmentation de leur population et de leur croissance économique.
L'évolution du climat au cours des prochaines années devrait également être un facteur aggravant, relève le rapport.
Ce dernier s'inquiète aussi du fait que des terroristes pourraient attaquer des barrages ou d'autres infrastructures permettant de fournir en eau les consommateurs, l'agriculture ou l'industrie, a relevé Mme Clinton.
L'eau pourrait également devenir un "outil politique", a-t-elle poursuivi: "Toutes ces difficultés vont accroître le risque d'instabilité aussi bien à l'intérieur des Etats qu'entre eux".
Hillary Clinton a insisté sur les risques encourus par une pénurie d’eau, la mauvaise gestion, les détournements en amont au sein d'un même état ou à l'intérieur d'un bassin géographique. La croissance économique des pays émergents et des "low-income" doit se conjuguer à une meilleure prise en charge de ces questions et de ces enjeux. Mais les pays dits "riches" ne doivent pas pour autant se sentir hors de toute action a souligné Hilary Clinton. «Ils doivent prendre conscience que leur image dans le monde dépendra aussi de leur action dans ce domaine. »
Source: NYTimes
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