Une série d'informations succinctes publiées disponibles sur le site du Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégique (CSFRS) à l'occasion de la publication en janvier 2012 du livre Eau et Conflictualités aux Editions Choiseul, reprenant les actes du séminaire du même nom organisé par le CSFRS en décembre 2010.
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Verbatim
- « L’absence d’eau, ou sa mauvaise qualité, tue. C’est la première cause de mortalité. Elle est dix fois, quinze fois supérieure à celle des conflits en cours ».
Loïc Fauchon, Président du Conseil mondial de l’eau. - « La question qui se pose maintenant est la suivante : au-delà de cet état des lieux, au-delà de cette analyse des problématiques que nous connaissons déjà, qu’est-ce qui est au cœur des démarches à venir sur les questions stratégiques de l’eau, le seul élément totalement indispensable à la vie avec l’oxygène ? Il serait utile que nous ayons plus de perspectives, plus d’options, plus de contenus permettant à des formes de relations diplomatiques ou purement stratégiques de se développer. Bref nous souhaitons prévenir plutôt que subir, comprendre plutôt que découvrir, faire des efforts d’anticipation et de décèlement, c’est l’initiative, le souhait, l’ambition qui est la nôtre ».
Alain Bauer, président du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques. - « La façon dont on partage ou ne partage pas cette ressource stratégique peut s’avérer source de tensions politiques en pays riverains (…). Faut-il pour autant conclure que, sous les coups de boutoir des changements climatiques et des besoins croissants, des guerres de l’eau vont éclater ? Il est peu probable que ceux-ci débouchent sur de véritables conflits armés. En revanche, ils attiseront les tensions interétatiques préexistantes sur les ressources en eau et en susciteront de nouvelles ». (…) A vrai dire, dans l’histoire des hommes, la gestion de l’eau a engendré davantage de coopération que de conflits. (…). Que ce soit pour se répartir la ressource ou gérer des catastrophes naturelles comme les sécheresses ou les inondations, l’eau contraint les États à renforcer leur coopération. La notion d’« hydrosolidarité » s’impose depuis quelques années dans le vocabulaire international. Elle prévaudra de plus en plus. (…) Mais la concertation ne préviendra pas tout et ne règlement pas tout. Il convient aussi de faire évoluer les comportements vers des usages plus raisonnés de l’eau. Une gestion économe s’impose à chaque nation ».
Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia Environnement. - Sur les relations entre l’eau et l’énergie : « Historiquement, pour des raisons techniques, la gestion de ces deux fluides était séparée. Aujourd’hui, les secteurs de l’eau et de l’énergie sont en train d’être construits sur des politiques publiques de plus en plus liées. Entre l’eau qui se transporte mal et se stocke facilement et l’électricité pour laquelle c’est le contraire, on voit que les éléments de nature technique ont permis de revoir complètement le paradigme du lien entre l’eau et l’énergie, sachant qu’il faut beaucoup d’eau pour produire n’importe quel type d’énergie et pas seulement l’hydroélectricité, et que la consommation énergétique pour les responsables des services d’eau, est le deuxième poste de dépenses, après les salaires ».
Pierre Victoria, Directeur adjoint du développement durable, Veolia Environnement, délégué général du Cercle français de l’eau.
Quelques chiffres
- 900 millions d'habitants ne disposent pas d'accès à l'eau potable à proximité ;
- Plus de 3 milliards d'habitants n'ont pas d'eau au robinet à domicile ;
- 2,6 milliards de personnes n'ont pas accès à un assainissement de base ;
- L’eau agricole représente 70% de l’utilisation des ressources mondiales en eau douce, 20% pour l’eau à vocation industrielle et 10% pour les consommations domestiques. Sur certaines zones évoquées dans le cadre de ce séminaire, dont le Proche-Orient, on est d’ailleurs plus près de 90% que de 70% pour l’eau agricole.
- Deux tiers des grands fleuves sont communs à plusieurs pays. Il existe 270 bassins fluviaux transfrontaliers. Le Nil, le plus long, traverse dix pays ; le Mékong, six pays.
- Outre les questions posées par les relations entre pays se partageant les rives, cette situation donne l’avantage aux États situés en amont. 15% des pays dépendent à plus de 50% des ressources en eau situées en dehors de leur territoire.
- On dénombre 200 traités interétatiques relatifs à l’eau contre 37 conflits survenus ces cinquante dernières années, pour la plupart mineurs.
Principales dates
- 1977 : Conférence de Mar del Plata. Première concertation internationale sur les conditions d’accès à l’eau par la population de la planète. A la « doctrine Harmon remontant à 1895, selon laquelle un État a la souveraineté pleine et entière sur les eaux s’écoulant sous son sol, succède la notion de « souveraineté limitée ».
- 1981-1990 : Décennie internationale de l’eau potable.
- 1992 : conférence de Rio. Le chapitre 18 de l’Agenda 21 est consacré à la gestion des ressources en eau.
- 1992 : convention-cadre de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies, qui propose une gestion globale et partagée, sous l’égide d’une instance commune de coopération, du bassin hydrographique : navigation, lutte contre la pollution, développement durable, règles de partage des bénéfices économiques. Elle a inspiré de nombreuses conventions, en Europe et ailleurs, pour la gestion internationale des fleuves.
- 1996 : création du Conseil mondial de l’eau (qui est à l’origine du Forum mondial de l’eau).
- 1997 : convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation (non entrée en vigueur, faute de ratifications en nombre suffisant).
- 2000 : objectifs du Millénaire.
- 2002 : le comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies proclame le « droit humain à l’eau, condition préalable à la réalisation des autres droits de l’homme ».
- 28 juillet 2010 : l’Assemblée générale des Nations Unies reconnait comme un droit fondamental le droit à une eau potable salubre et propre : « le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ».
Des exemples de tensions
- La répartition de l’eau du Jourdain constitue un enjeu géopolitique majeur entre le Liban, la Syrie, la Jordanie, Israël et la Cisjordanie.
- Les différents entre la Turquie, l’Irak et la Syrie quant à la construction de barrages.
- Les tensions entre L’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie sur les volumes soutirés du Nil.
Des exemples de coopération pour la gestion des fleuves transfrontaliers
- Le Traité des eaux limitrophes (1909), le Traité du fleuve Columbia (1961), l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands lacs (1978) entre les États-Unis et le Canada.
- La convention de la Save signée en 2002 par quatre des États issus de l’ex-Yougoslavie.
- Commission de l’Indus, 1960, entre l’Inde et le Pakistan, avec le soutien de la Banque mondiale. Elle a survécu à trois guerres entre les deux pays.
- Commission du Mékong (1957) avec l’aide de l’ONU. Elle a continué à fonctionner pendant la guerre du Vietnam. Cependant seuls y participent le Vietnam, le Laos, le Cambodge et la Thaïlande. La Chine et la Birmanie n’en font pas partie.
- Le plan d’action pour le Zambèze (ZAC-Plan) en coopération avec les États riverains et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), avec le soutien du PNUE.
Revue de presse sur l’ouvrage Eau et conflictualités
- Alternatives internationales n° 054, mars 2012 : article de Franck Galland, « La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? »
- Site de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) : vidéo interview à regarder à l’occasion de la sortie de l’ouvrage ;
- Radio France Internationale, émission Géopolitique, 25 février 2012, « Peut-on gouverner l’eau ? », animée par Marie-France Chatin, avec Alain Boinet, fondateur et directeur de Solidarités international, Alexandre Taithe (Fondation pour la recherche stratégique), et Franck Galland ;
- Site Diploweb.com, article de Romain de Jarnieu : « Ce que nous apprend cet ouvrage, c’est que la géographie n’est pas une fatalité, et qu’il existe des solutions permettant de sortir des logiques sécuritaires en développant des approches régionales tenant compte des impératifs de chacun » ;
- Un article d’Alexandre Vatimbella sur le site Eco Infos Monde de l'agence de presse LesNouveauxMondes.org, « L’eau sera un enjeu majeur - sinon le majeur - du XXIe siècle »
Bibliographie
- L’eau en commun. De ressource naturelle à chose cosmopolitique, Gabriel Blouin Genest, Frédéric Julien et Sylvie Paquerot. PUQ, 2012.
- Gestion de l’eau. Approche territoriale et institutionnelle, sous la direction d’Alexandre Brun et Frédéric Lasserre, Collection Géographie contemporaine, PUQ, 2012.
- Franck Galland, L’eau : géopolitique, enjeux, stratégies, CNRS Éditions, 2008 ; La Ruée vers l’eau, Sécurité globale, Choiseul Éditions, 2010, Paris.
- Barah Michaïl, L’eau, source de menaces ? Dalloz-Iris, Paris, Revue Défense Nationale et sécurité collective, 2009, Paris.
- Général Alain Lamballe, L’eau en Asie du sud, confrontation ou coopération ?, L’Harmattan, 2009.
- La revue internationale et stratégique, été 2007, n°66, Dossier L’or bleu, nouvel enjeu géopolitique ?, sous la direction de Barah Mikaïl, Dalloz.
- Alexandre Taithe, Partager l’eau. Les enjeux de demain aux Éditions Technip en 2006 ; L’eau. Un bien ? Un droit ? Tensions et opportunités, Unicomm, Paris, Revue Défense Nationale et sécurité collective, 2009, Paris. L’eau en Méditerranée : fonder une stratégie commune. Services de l’eau, climat, sécurité, en codirection avec Pierre Beckouche et Zoé Luçon (l’Harmattan, mars 2010).
- Suzanne Dionet-Grivet, Géopolitique de l’eau, Ellipses, 2011.
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