photo: Qiu Bo/Greenpeace |
Le jean est un élément social.
Dans les pays en développement, il est souvent associé à l’occidentalisation de
la société et à l’émergence d’une classe moyenne plus aisée. A Delhi par
exemple, on croise autant de jeans que de saris, si ce n’est plus. Le jean,
indicateur de l’enrichissement d’un pays ? Pas seulement.
Une industrie trop polluante
En 2011, Greenpeace révélait
des taux de pollution élevés et la présence de cinq métaux lourds dans les eaux
de deux villes de la province de Guangdong, au sud-est de la Chine: Xintang, la
“capitale du monde des jeans”, et Gurao, une ville industrielle où 80% de
l’économie tourne autour de la confection de sous-vêtements. Pour l’ONG, les
pollutions auxquelles sont confrontées ces deux villes sont emblématiques de
l’industrie textile chinoise dans son ensemble, qui doit revoir ses pratiques
et sa réglementation.
Xintang, “capitale du monde des jeans” et ses chiffres à plusieurs zéros : une population de 215 000 habitants, 500 000 travailleurs migrants, 4 000 entreprises et une production annuelle chiffrée à 28 milliards de yuans (3 milliards d’euros). En
2008, elle a produit plus de 260 millions de paires de jeans - soit 60% de la production totale de la Chine et 40% des jeans vendus aux Etats-Unis chaque année. 40% de ses jeans sont exportés en Amérique, en Europe
ou encore en Russie.
Or cette industrie est une des
plus polluantes et gourmandes en eau. “Les procédés de teinture, lavage, blanchiment et impression sont quelques uns des plus sales de l’industrie textile, nécessitant de grands volumes d‘eau ainsi que des métaux lourds et autres produits chimiques“, explique Mariah Zhao,
chargée de campagne produits toxiques pour Greenpeace.
La multiplication de méthodes de production écologiques
Une nouvelle méthode de production de
jeans dévoilée ce mardi aux Etats-Unis par un ingénieur suisse permet
d'utiliser jusqu'à 92% d'eau et 30% d'énergie en moins, et pourrait avoir des
effets positifs sur l'environnement si elle était généralisée, selon son
concepteur.
Outre les importantes économies d'eau et
d'énergie, ce procédé baptisé "Advanced Denim", permet aussi de
considérablement réduire (-87%) les déchets de coton qui sont souvent incinérés
et ajoutent ainsi des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et autres gaz à
effet de serre dans l'atmopshère.
Il faut, selon
les procédés actuels, plus de 9.450 litres d'eau, près d'un demi-kilo de
produits chimiques et beaucoup d'énergie pour produire une seule paire de
jeans. De plus, à la différence des méthodes traditionnelles de production de
toile de jeans qui nécessitent jusqu'à 15 cuves de teinture et un ensemble de
substances chimiques potentiellement nocives, ce nouveau procédé n'en utilise
qu'une seule. Il recourt en effet à une nouvelle génération de teinture au
soufre liquide concentré et plus écologique.
Miguel Sanchez, un ingénieur de la firme
chimique Clariant, lors d'une présentation à une conférence de l'Institut de la
chimie verte (qui dépend de l'American Chemical Society) explique : "Si
vous multipliez par près de deux milliards de jeans produits annuellement dans
le monde vous avez une bonne idée de ce que représente cette industrie, qui
contribue pour une part notable à la production d'eaux usées et aux émissions
de gaz à effet de serre dans l'environnement".
Si seulement 25% de toutes les toiles de
jeans étaient teintes avec ce procédé, il serait possible d'économiser
suffisamment d'eau pour satisfaire les besoins de 1,7 million de personnes
chaque année, soit environ 9,45 milliards de litres, affirme Clariant. Cela
permettrait également de ne pas rejeter 31,3 millions de m3 d'eaux usées et
d'économiser 220 millions de kilowatt/heure d'électricité tout en éliminant les
émissions de CO2 qui en découlent, selon la même source.
Une nécessité stratégique pour les
industries textiles « hydrovores »
Mi mars, quelques jours après l’ouverture
du Forum Mondial de l’eau à Marseille, Ernst & Young publiait
les enseignements de son rapport Preparing
for water scarcity, raising business awareness on water issues. Ce rapport veut sensibiliser les entreprises aux
enjeux opérationnels liés à l’eau et analyse les méthodes ainsi que les
outils d’évaluation et de mesure mis à la disposition des entreprises pour
progresser en la matière.
Les entreprises méconnaissent les
risques liés au stress hydrique, en particulier dans les pays émergents.
Un rapport publié l’an dernier par Carbon Disclosure Project « CDP
Water disclosure Global Report 2011 » montre, par exemple, que sur 190
entreprises internationales interrogées, seule la moitié considère l’eau comme
un risque potentiel pour leur entreprise.
« Les
enjeux opérationnels liés à la rareté de l’eau peuvent être localement plus urgents
et plus visibles que ceux liés au changement climatique. Ils peuvent constituer
un risque au développement de l’activité économique notamment sur la chaîne de production dans les pays
émergents. Les secteurs agroalimentaires, de production énergétique, minier
ou encore high-tech devraient être les premiers concernés », commente Philippe Aubain, responsable
des problématiques eau, au sein du département environnement et développement
durable d’Ernst & Young France.
Sensibiliser
les entreprises et les consommateurs aux enjeux de la rareté de l’eau
D’importantes
initiatives participatives, telles que le « CEO Water Mandate »,
le projet de norme ISO sur l’empreinte eau ou
encore le « Global Water Tool© » du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) ont été
lancées ces dernières années pour sensibiliser les acteurs aux enjeux de la
rareté et de la qualité de l’eau et développer des méthodologies et
outils adaptés. Malgré cela, la plupart des entreprises se heurtent à la
prise en compte de la dimension locale du stress hydrique ainsi qu’aux
subtilités des terminologies en cours de développement.
« L’empreinte eau », une méthode innovante pour mieux
mesurer les consommations d’eau
L’impact
sur l’eau peut
être actuellement mesuré via un indicateur environnemental appelé
« empreinte eau (water footprint) », en référence à
l’empreinte carbone. Cet indicateur permet de chiffrer l’utilisation directe et
indirecte de l’eau d’un pays, d’une entreprise et/ou d’un
produit.
« En
France, dans le cadre du projet d’affichage environnemental des produits initié
par la loi Grenelle II (12 juillet 2010), plus de 25 expérimentations, en
particulier dans le secteur agro-alimentaire, ont déjà retenu l’empreinte eau comme l’un des indicateurs
significatifs à afficher » précise Eric Mugnier, associé au sein du
département Environnement et développement durable d’Ernst & Young France et chargé d’accompagner les
pouvoirs publics dans la réalisation du bilan de l’expérimentation sur
l’affichage.
« Les
entreprises gagnent à procéder par étape en expérimentant une empreinte eau sur
un périmètre pilote (installation, pays…) avant de la généraliser à l’ensemble
des activités. A l’instar de l’empreinte carbone, l’empreinte eau est un outil pragmatique et
prometteur, permettant indéniablement de sensibiliser les entreprises aux
enjeux liés à l’eau. A terme, le sujet eau devrait influer plus notablement les
modèles économiques des entreprises », conclut Philippe Aubain.
Sources:
AFP
Cdurable
Greenpeace
LeMonde
No comments:
Post a Comment