Wednesday, June 20, 2012

La nécessité pour les entreprises (textiles) de prendre en compte les enjeux liés à l’eau (d’un jean) à échelle internationale (en Chine)


photo: Qiu Bo/Greenpeace

Le jean est un élément social. Dans les pays en développement, il est souvent associé à l’occidentalisation de la société et à l’émergence d’une classe moyenne plus aisée. A Delhi par exemple, on croise autant de jeans que de saris, si ce n’est plus. Le jean, indicateur de l’enrichissement d’un pays ? Pas seulement.

Une industrie trop polluante

En 2011, Greenpeace révélait des taux de pollution élevés et la présence de cinq métaux lourds dans les eaux de deux villes de la province de Guangdong, au sud-est de la Chine: Xintang, la “capitale du monde des jeans”, et Gurao, une ville industrielle où 80% de l’économie tourne autour de la confection de sous-vêtements. Pour l’ONG, les pollutions auxquelles sont confrontées ces deux villes sont emblématiques de l’industrie textile chinoise dans son ensemble, qui doit revoir ses pratiques et sa réglementation.

Xintang,capitale du monde des jeans” et ses chiffres à plusieurs zéros : une population de 215 000 habitants, 500 000 travailleurs migrants, 4 000 entreprises et une production annuelle chiffrée à 28 milliards de yuans (3 milliards d’euros).  En 2008, elle a produit plus de 260 millions de paires de jeans - soit 60% de la production totale de la Chine et 40% des jeans vendus aux Etats-Unis chaque année. 40% de ses jeans sont exportés en Amérique, en Europe ou encore en Russie.

Or cette industrie est une des plus polluantes et gourmandes en eau. “Les procédés de teinture, lavage, blanchiment et impression sont quelques uns des plus sales de l’industrie textile, nécessitant de grands volumes d‘eau ainsi que des métaux lourds et autres produits chimiques“, explique Mariah Zhao, chargée de campagne produits toxiques pour Greenpeace.

La multiplication de méthodes de production écologiques

Une nouvelle méthode de production de jeans dévoilée ce mardi aux Etats-Unis par un ingénieur suisse permet d'utiliser jusqu'à 92% d'eau et 30% d'énergie en moins, et pourrait avoir des effets positifs sur l'environnement si elle était généralisée, selon son concepteur.

Outre les importantes économies d'eau et d'énergie, ce procédé baptisé "Advanced Denim", permet aussi de considérablement réduire (-87%) les déchets de coton qui sont souvent incinérés et ajoutent ainsi des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et autres gaz à effet de serre dans l'atmopshère.

Il faut, selon les procédés actuels, plus de 9.450 litres d'eau, près d'un demi-kilo de produits chimiques et beaucoup d'énergie pour produire une seule paire de jeans. De plus, à la différence des méthodes traditionnelles de production de toile de jeans qui nécessitent jusqu'à 15 cuves de teinture et un ensemble de substances chimiques potentiellement nocives, ce nouveau procédé n'en utilise qu'une seule. Il recourt en effet à une nouvelle génération de teinture au soufre liquide concentré et plus écologique.

 Miguel Sanchez, un ingénieur de la firme chimique Clariant, lors d'une présentation à une conférence de l'Institut de la chimie verte (qui dépend de l'American Chemical Society) explique : "Si vous multipliez par près de deux milliards de jeans produits annuellement dans le monde vous avez une bonne idée de ce que représente cette industrie, qui contribue pour une part notable à la production d'eaux usées et aux émissions de gaz à effet de serre dans l'environnement".

Si seulement 25% de toutes les toiles de jeans étaient teintes avec ce procédé, il serait possible d'économiser suffisamment d'eau pour satisfaire les besoins de 1,7 million de personnes chaque année, soit environ 9,45 milliards de litres, affirme Clariant. Cela permettrait également de ne pas rejeter 31,3 millions de m3 d'eaux usées et d'économiser 220 millions de kilowatt/heure d'électricité tout en éliminant les émissions de CO2 qui en découlent, selon la même source. 

Une nécessité stratégique pour les industries textiles «  hydrovores »

Mi mars, quelques jours après l’ouverture du Forum Mondial de l’eau à Marseille, Ernst & Young publiait les enseignements de son rapport Preparing for water scarcity, raising business awareness on water issues. Ce rapport veut sensibiliser les entreprises aux enjeux opérationnels liés à l’eau et analyse les méthodes ainsi que les outils d’évaluation et de mesure mis à la disposition des entreprises pour progresser en la matière.
Les entreprises méconnaissent les risques liés au stress hydrique, en particulier dans les pays émergents. Un rapport  publié l’an dernier par Carbon Disclosure Project « CDP Water disclosure Global Report 2011 » montre, par exemple, que sur 190 entreprises internationales interrogées, seule la moitié considère l’eau comme un risque potentiel pour leur entreprise.

« Les enjeux opérationnels liés à la rareté de l’eau peuvent être localement plus urgents et plus visibles que ceux liés au changement climatique. Ils peuvent constituer un risque au développement de l’activité économique notamment sur la chaîne de production dans les pays émergents. Les secteurs agroalimentaires, de production énergétique, minier ou encore high-tech devraient être les premiers concernés », commente Philippe Aubain, responsable des problématiques eau, au sein du département environnement et développement durable d’Ernst & Young France.

Sensibiliser les entreprises et les consommateurs aux enjeux de la rareté de l’eau

D’importantes initiatives participatives, telles que le « CEO Water Mandate », le projet de norme ISO sur l’empreinte eau ou encore le « Global Water Tool© » du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) ont été lancées ces dernières années pour sensibiliser les acteurs aux enjeux de la rareté et de la qualité de l’eau et développer des méthodologies et outils adaptés. Malgré cela, la plupart des entreprises se heurtent à la prise en compte de la dimension locale du stress hydrique ainsi qu’aux subtilités des terminologies en cours de développement.

« L’empreinte eau », une méthode innovante pour mieux mesurer les consommations d’eau

L’impact sur l’eau peut être actuellement mesuré via un indicateur environnemental appelé « empreinte eau (water footprint) », en référence à l’empreinte carbone. Cet indicateur permet de chiffrer l’utilisation directe et indirecte de l’eau d’un pays, d’une entreprise et/ou d’un produit.

« En France, dans le cadre du projet d’affichage environnemental des produits initié par la loi Grenelle II (12 juillet 2010), plus de 25 expérimentations, en particulier dans le secteur agro-alimentaire, ont déjà retenu l’empreinte eau comme l’un des indicateurs significatifs à afficher » précise Eric Mugnier, associé au sein du département Environnement et développement durable d’Ernst & Young France et chargé d’accompagner les pouvoirs publics dans la réalisation du bilan de l’expérimentation sur l’affichage.

« Les entreprises gagnent à procéder par étape en expérimentant une empreinte eau sur un périmètre pilote (installation, pays…) avant de la généraliser à l’ensemble des activités. A l’instar de l’empreinte carbone, l’empreinte eau est un outil pragmatique et prometteur, permettant indéniablement de sensibiliser les entreprises aux enjeux liés à l’eau. A terme, le sujet eau devrait influer plus notablement les modèles économiques des entreprises », conclut Philippe Aubain.

Sources:
AFP
Cdurable
Greenpeace
LeMonde

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